Le paysage recomposé d’un ensemble de logements sociaux

Le quartier du Luth à Gennevilliers

Du « grand ensemble » à l’opération de renouvellement urbain

Edifiée entre 1965 et 1978 sur les plans des architectes Auzolle et Zavaroni, l’opération est symbolique de la construction des grands ensembles, rassemblant, au sein de vastes emprises, de nombreux logements construits sous la forme de barres et de tours aux façades lisses, des équipements publics, principalement scolaires, et un centre commercial. Non clos, les espaces non bâtis unissent voiries, stationnements et espaces verts dits « de pied d’immeubles ». (faire un lien avec l’article « les tissus de bâti discontinu et non aligné ).

Dès les années 1980, le quartier fait l’objet de transformations, notamment des démolitions complètes ou partielles, créant des ouvertures dans les grandes barres.
La ligne de tramway T1, la station de métro « Les Courtilles », la construction du pôle « Aimé Césaire », ont accompagné ces dernières années une nouvelle transformation du quartier, selon un plan directeur de l’agence Castro-Denissof.

Financés en partie par l’Agence Nationale du Renouvellement Urbain, les travaux, ont porté sur la démolition totale ou partielle des barres, la création de nouvelles voiries, la reconstruction des pignons, la valorisation des espaces verts, la clôture de certains espaces résidentialisés, la construction d’équipements, la reconstruction du centre commercial, l’aménagement d’espaces publics (recomposition de voirie, développement de circulations douces…), etc.

Des enjeux de paysage

Le désenclavement du quartier et la construction de nouveaux liens apparaissent comme des objectifs prioritaires des opérations, visant à réviser les effets d’isolement. Cet objectif procède d’un enjeu paysager reconnu, celui de la continuité du territoire, les grands ensembles ayant pu apparaître comme des espaces à part, isolés de leur contexte et de l’histoire de leur lieu d’implantation. L’effet étant ici accentué par la barrière créée par l’autoroute au nord du quartier.

La valorisation et le renforcement des caractères identifiables du quartier, notamment la forme singulière des barres et les espaces verts, s’ajoutent comme un enjeu paysager.

Le lien avec les éléments de nature, notamment la Seine pourtant très proche, ou avec l’histoire du site, restent plus difficiles à mettre en œuvre mais peuvent constituer de futurs objectifs.
L’ancien fossé de l’Aumône passait à l’angle sud-ouest du site, la mémoire pourrait en être valorisée en même temps que la proximité de la Seine, aujourd’hui difficile à percevoir. Pourtant, l’axe de la RD 19 permet de traverser la barrière de l’autoroute A86 et de rejoindre la darse N°2 du port, et peut constituer un lien de qualité. On remarque également que, fait assez rare, l’orientation parfaitement ouest-est des barres de l’avenue Lénine correspond à celle de l’ancien parcellaire, un lien qui pourrait être valorisé.

Faire du lien

La plupart des composantes du projet permettent au site du Luth de renforcer les liens avec son environnement, et de contribuer ainsi à un renforcement de sa qualité paysagère.

  • La station de métro « Les Courtilles » met le quartier en lien direct avec Paris et la métropole. La station elle-même peut ainsi constituer un repère dans le territoire, proposer une nouvelle centralité. On remarque sa position à l’articulation du quartier et de la RD 19, en capacité de susciter une intensification de cet axe jusqu’à la Seine.
  • La ligne de tramway T1 assure une remarquable continuité de territoire, tout particulièrement entre le « village » et le Luth. Ceci justifie d’autant plus les percements effectués dans les barres, et qui permettent d’organiser un maillage des espaces ouverts vers le tramway. L’aménagement de la ligne fait en outre appel au vocabulaire des jardins, instaure un beau tapis vert qui vient caractériser l’ambiance de la Rd 986, avenue Lucien Lanternier.
  • Les barres ont été découpées, dans le but de constituer un maillage de voies plus complet. Le rôle de coupure des grandes barres initiales est ainsi atténué, le nord du quartier peut davantage s’ouvrir vers le sud et la ligne de tramway. L’autoroute A86 reste certes une coupure au nord, la proximité du quartier avec le port n’est pas perceptible. Cependant, les ouvertures pratiquées instaurent une dynamique, que de futurs aménagements pourraient poursuivre, franchissant l’autoroute pour rejoindre les darses du port.
  • Les pignons des barres ont été également recomposés, ouvrant des façades sur les voies nouvelles : c’est ici le dialogue entre l’espace public et les volumes bâtis qui est renforcé.
  • L’espace Aimé Césaire offre un équipement social et culturel à un public qui dépasse largement le cadre des habitants du Luth.
  • La recomposition de la partie ouest, le long de la RD 19, vient articuler le quartier à un environnement plus large.

Faire lieu

Le renforcement d’un caractère identifiable contribue également à la qualité paysagère du site, et passe par plusieurs dispositions de l’opération.

  • La forme singulière des barres courbées du Boulevard Beaumarchais, contrastant avec les lignes droites de l’avenue Lénine, contribue à constituer un paysage singulier. Les percements effectués dans le cadre du renouvellement du quartier n’ont pas mis en cause cette composition, et les aménagements viennent au contraire en renforcer la présence sensible. Le jardin conforté entre les deux groupes de barres est ainsi défini par l’opposition des lignes droites et courbes. Mais c’est surtout le tapis vert du tramway qui compose désormais un socle et un premier plan venant valoriser les lignes ondulantes des barres de l’avenue Beaumarchais.
  • L’architecture du centre Aimé Césaire, confiée à l’architecte Rudy Ricciotti, renforce la singularité du site, et contribue à sa notoriété et son image.
  • Les espaces verts déjà en place sont renforcés, et l’ambiance de jardin est prolongée dans les espaces publics, notamment les voies remaillées par les percements.

L’intensification du carrefour autour de la station de métro pourra également contribuer à la caractérisation du site.

Des perspectives

Les transformations mises en œuvre ont créé une dynamique de qualification paysagère, reposant sur le désenclavement et le renforcement de la caractérisation. La situation du quartier, parallèle au port de Gennevilliers, la station de métro et la RD 19, la mémoire du lieu, constituent des perspectives d’action permettant, à terme, de renforcer le lien aux éléments de nature, le repérage urbain …

Quelques pistes sont figurées ci-dessus :
  1. La création de cheminements traversant le quartier, reliant la ligne de tramway au port et franchissant l’A86 ;
  2. Le renforcement du secteur de la station de métro, par une densification urbaine, la construction de bâtiments formant repère, et abritant des fonctions multiples. L’évocation du fossé de l’Aumône peut y être envisagée, même poétiquement, dans le traitement des espaces publics ;
  3. Le renforcement d’un axe urbain le long de la RD19, relient la station de métro à la darse N°2 du port ;
  4. Une inscription plus forte des espaces du port dans la ville, en renforçant, au fond des darses notamment, les lieux de vie urbaine (promenades, commerces, restauration…).

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