Paysages patrimoniaux : le Mont-Valérien, Paris, les parcs et les bois

Repères et points de vue

Le Mont-Valérien

Horizon « ponctuel » très identifiable à partir de Paris et de sa banlieue, le Mont-Valérien est un site majeur du département. Proéminence surplombant la Seine, forteresse militaire depuis 1841 et lieu de recueillement à la mémoire des fusillés et des combattants de la Seconde Guerre mondiale, le Mont est un sujet de représentation à la fois ancien et contemporain.

Sa silhouette, associée le plus souvent à la Seine, est présente dans un nombre incalculable d’estampes et de peintures depuis le XVIIIe siècle. Il est également très présent quand la littérature s’intéresse à cette partie du territoire. Aujourd’hui, c’est un lieu prisé de promenade pour sa vocation historique mais aussi pour les vues qu’il permet sur la Seine et Paris.

Les cartes postales rendent compte également de la notoriété du site mais ne le présentent que rarement en « majesté » comme le faisait la peinture ou l’estampe. Le Mont reste un élément marquant du territoire, mais parmi d’autres. Les vues sur Paris, la tour Eiffel

Les vues offertes sur Paris sont une des spécificités des paysages des Hauts-de-Seine. Des terrasses des domaines de Saint-Cloud ou de Meudon, à partir des coteaux ou du Mont-Valérien, la capitale dont la tour Eiffel devient le symbole, s’offre aux regards dans l’exceptionnalité de son site et de son urbanisme.

« Regard, objet, symbole, la tour est tout ce que l’homme met en elle, et ce tout est infini. Spectacle regardé et regardant, édifice inutile et irremplaçable, monde familier et symbole héroïque, témoin d’un siècle et monument toujours neuf, objet inimitable et sans cesse reproduit, elle est le signe pur, ouvert à tous les temps, à toutes les images et à tous les sens, la métaphore sans frein ; à travers la tour, les hommes exercent cette grande fonction de l’imaginaire, qui est leur liberté ; puisque aucune histoire, si sombre soit-elle, n’a jamais pu la leur enlever. »

Roland Barthes, La Tour Eiffel, Delpire Éditeur, 1964.

L’affiche ci-dessus résume à elle seule l’image « idéale » du département : vues sur Paris et sur la Seine depuis les coteaux au-dessus de Billancourt, dynamisme et modernité représentés par le site de construction automobile Renault – très embelli - que souligne encore la présence émancipée et élégante d’une jeune femme venue en promenade pour regarder le panorama. Saluant les passagers d’un luxueux cabriolet, elle s’approprie aussi par ce geste, le paysage qui ne semble exister que pour son seul plaisir. Plus loin, derrière les coteaux, les vues sur Paris sont également des arguments de vente. Ici, la publicité pour des terrains à Garches « boisés ou non, très bien situés » ne manque pas de mettre en avant la proximité, visuelle sinon symbolique, avec la capitale à laquelle on reste ainsi lié.

« (…) Les endroits où cela était le plus net étaient les banlieues les plus recherchées pour y habiter, sur les pentes qui dominent les méandres de la Seine avec vue sur tout Paris, comme à Garches, Meudon ou Saint-Cloud. De ce Paris, jeté là, dense et clair, jusqu’à l’horizon, du bassin vers le silence des collines et les terrasses panoramiques ne montait qu’un crépitement. C’était là en bas que cela se passait. Tout était là en bas.
La capitale chatoyait, luisait, et dans ses profondeurs suivait son cours un grouillement homogène et inaudible, chaud comme dans un nid, dont celui qui avait déménagé là-bas, avec son jardin suspendu dans l’air frais, devait penser de loin qu’il n’y retournerait jamais.
Et même moi dans ma banlieue bien plus insignifiante, dans ma maison d’où l’on ne voyait de la tour Eiffel que le sommet, il m’arrivait peut-être, la nuit, à la vue du triangle magique qui pointait bien loin entre les maisons voisines depuis longtemps plongées dans l’obscurité et leurs potagers noirs, de me demander s’il n’était pas monstrueux d’avoir quitté cette lumière.
 »

Peter Handke, Mon année dans la baie de personne, Gallimard, 1997, p. 170-171.

Parcs et jardins aristocratiques

On ne compte plus les châteaux et leurs parcs, jardins et réserves de chasse qu’a accueilli depuis le XVIe siècle le territoire actuel des Hauts-de-Seine. « À partir du XVIe siècle, des personnages influents, importants ou aisés quittent Paris et s’installent plus à l’ouest. Sur le territoire des Hauts-de-Seine s’érigent alors de vastes domaines dont, pour la plupart, il ne reste plus que des traces dans les archives  » nous dit un dossier documentaire réalisé par les Archives départementales du département sur les châteaux disparus. 1

Ces grands domaines ont pourtant profondément marqué le territoire par la noblesse qu’ils ont donnée aux sites – souvent remarquables – qu’ils se sont appropriés. 2Leurs jardins, leurs parcs et leurs réserves boisées ont été, pour certains, très tôt protégés et patrimonialisés en raison notamment des œuvres importantes que le jardinier de Versailles, André Le Notre, y a créé (axe des Tuileries, Sceaux, Saint-Cloud, Meudon…). Ils font désormais partie du paysage contemporain départemental.

La trame en étoile des chemins et des routes qui les desservaient ont pu servir de base au tracé de nombreuses nouveaux axes et les perspectives ouvertes perpétuées et reconduites. Certains domaines démantelés comme par exemple à Neuilly ont été investis par des lotissements qui se sont adossés à la structure existante.

Référence majeure des paysages du département, ils ont été l’objet d’un nombre incalculable de dessins, peintures et photographies. Le parc de Saint-Cloud est ainsi l’un des sites du département le plus représenté dans la carte postale ancienne.

Les bois : Clamart, Meudon et les étangs

Clamart et Meudon

Comme les berges de Seine, les bois de Meudon et Clamart sont représentés surtout comme des lieux que les Parisiens ou les banlieusards investissent pour se promener, se détendre, pique-niquer ou pêcher. Les cartes postales anciennes s’attachent davantage à montrer les plaisirs de la balade au bois que les paysages de futaie ou de sous-bois. Clamart et Meudon ne sont pas Fontainebleau. Aussi les rares peintures qui les représentent semblent s’appliquer à forcer leur pittoresque. D’ailleurs c’est bien dans la forêt de Meudon que des missionnaires disposent dans une clairière, au pied d’un chêne un ensemble de faux mégalithes (sauf un, paraît-il, importé de la forêt de Chaville…).

Chanter les bois des Hauts-de-Seine

« Ah qu’il fait donc bon
Cueillir la fraise
Au bois de Bagneux
Quand on est deux
Mais quand on est trois
Ne vous déplaise
C’est bien ennuyeux »

Adolphe Adam, opéra comique, 1853

« Au bois d’Clamart, y’a des p’tit’s fleurs
Y’a des petit’s fleurs
Y’a des copains au, au bois d’mon cœur
Au bois d’mon cœur

(…)
« Au bois d’Meudon, y’a des p’tit’s fleurs
Y’a des petit’s fleurs
Y’a des copains au, au bois d’mon cœur
Au bois d’mon cœur

(…)
« Au bois d’Saint-Cloud, y’a des p’tit’s fleurs
Y’a des petit’s fleurs
Y’a des copains au, au bois d’mon cœur
Au bois d’mon cœur

Au bois d’mon cœur (refrain), Georges Brassens, 1957

« Quand une gisquette voulait du tourbillon
Les gars y allaient de leur tempérament
Puis ils faisaient le coup du sentiment
Il fait si bon dans les bois de Meudon
 »

Le bal de Meudon, Claude Aubry, 1960

L’écrivain allemand Peter Handke s’est installé dans les années 1990 pour vivre dans un petit pavillon aux environs de Clamart. Son ouvrage, Mon année dans la baie de Personne, est en partie le récit de son apprivoisement progressif à ce territoire et à ses paysages.

« Je marchai beaucoup à travers les forêts sur les collines qui s’étendaient jusqu’à Versailles et qui, vues de Paris, commençaient dans ma banlieue.
Chose étonnante, Marina Tsvetaieva, qui avait pourtant vécu à Meudon, puis à Clamart, et qui avait un grand besoin de la marche et des forêts, se plaignait dans les lettres qu’il n’y eut pas de forêt dans le secteur. Mais je la comprends aussi. Car les débuts de la forêt y étaient assez dissimulés, et à son approche, lorsqu’on lui était étranger, on se sentait repoussé.
(…)
Mais les lisières de ces banlieues ne permettaient guère ces perspectives. Quelqu’un qui venait d’ailleurs ne les voyait souvent pas comme des lisières de forêt, mais comme de simples avancées de buissons entre les maisons, précédées de barrières, comme de simples cachettes, parsemées comme dans aucun autre pays de menus objets et où l’inévitable spirale des crottes de chien faisait faire aussitôt demi-tour.
Celui qui prend sur soi et pénètre plus avant voit les sentiers s’élargir en chemins, les taillis s’écarter et s’élancer en arbres. Mais nulle part on ne trouve cette profondeur et cet espace sur quoi se fonde le sentiment d’une forêt. L’étranger au pays n’y voit qu’un résidu de celle-ci, dévorée, a-t-il l’impression, par des constructions de la banlieue qui, dans quelque direction qu’il regarde, sont si proches qu’elles semblent ici ou là réduire les derniers troncs de moitié.
 »

Peter Handke, Mon année dans la baie de personne, Gallimard, 1997, p. 154-155

Ville d’Avray, les étangs et la forêt de Fausses-Reposes

Carle Vernet et Jean-Baptiste Corot, pour des raisons et des manières différentes ont bien saisi la fraîcheur et les ouvertures champêtres données par les étangs de la forêt de Meudon et de Fausses-Reposes.

Notes et références

1Voir le dossier en ligne sur le site des Archives départementales des Hauts-de-Seine

2L’appropriation par l’élite de ces espaces leur confère, notamment dans les représentations mentales, des qualités forcément exceptionnelles ou supérieures.

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