Les Grandes cités de la plaine alluviale
Gennevilliers, cité du Luth jpg - 988.2 ko
La cité du Luth est emblématique d’un urbanisme reposant davantage sur les formes bâties (monolithisme des barres) que sur celles des espaces dégagés. Elle est aussi représentative du travail de renouvellement des grands ensembles, par les transformations apportées à l’architecture des immeubles de logements et le développement de l’attractivité de ces quartiers par la construction d’équipements (ici le centre culturel Aimé Césaire en chantier).
Carte de la sous-unité des Grandes cités de la plaine alluviale jpg - 569.3 ko
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Limites et voisinages
L’autoroute A 86 qui longe la Seine au nord de la boucle constitue une limite très nette au sud de laquelle s’étend la sous-unité, entre le pont de Bezons à l’ouest et le vaste échangeur de l’A 15 à l’est.
Vers le sud, les grands ensembles de logements sociaux et d’équipements qui dominent le paysage de la sous-unité des Grandes cités de la plaine alluviale, laissent la place aux secteurs pavillonnaires de Colombes, ou au village de Gennevilliers inclus dans la sous-unité de la Plaine d’Asnières-Colombes.
L’A 86 et les cités, une épaisseur qui fait limite
Sur les 6 km environ où elle dessine la limite de la sous-unité, l’autoroute n’est franchie qu’en six points. Les espaces urbains sont ainsi « bloqués » le long de l’infrastructure. L’épaisseur des opérations de grands ensembles et d’équipements s’ajoute à l’A 86 pour constituer une limite épaisse, parallèle à la Seine et au port, ainsi éloignés des habitants.
« L’autoroute A 86 est une coupure. (…) Les limites entre le port et la zone d’habitat en deviennent intangibles. (…) Elle détermine des zones qui ont du mal à évoluer. »[Extraits d’entretien, Laurent Govehovitch, Gennevilliers]
« L’autoroute A 86 est une forte coupure dans le territoire. Elle a été construite entre la ville et la Seine, sur des délaissés des années 1970. Elle constitue une barrière empêchant de se raccorder à la Seine et d’avoir des liaisons entre la ville et le fleuve. »[Extraits d’entretien, Patrick Chaimovitch, maire-adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement de Colombes]
Si les grandes infrastructures telle que l’A 86 sont des coupures, elles occasionnent également de vastes ouvertures sur le ciel et sur certains horizons éloignés. Dans leurs emprises, la végétation prend parfois des proportions notables, comme c’est le cas par exemple pour l’échangeur A86/A15 à Gennevilliers.
« L’autoroute A 86, qu’on trouve au nord et au sud du département constitue autant une barrière physique qu’un véritable paysage. Elle offre des vues extrêmement dégagées, une vision périphérique du territoire. C’est sans doute depuis l’A 86 qu’on a les vues les plus larges sur la métropole, mais je pense qu’on ne sait pas trop quoi en faire ou que c’est un territoire qui n’a pas encore été accaparé par les réflexions urbaines et paysagères : les autoroutes constituent aussi une part importante de la métropole… »[Extraits d’entretien, Véronique Tirant, SEM 92]
Motifs et compositions du paysage
Gennevilliers, à proximité de la mairie jpg - 847.2 ko
Dans cette cité de Gennevilliers, apparaissent une part des dispositions en cours dans les années 1960-1970 pour les logements sociaux : une urbanisation discontinue, une perspective barrée, et un espace public qui bénéficie d'une forte présence des arbres. Ces derniers ont atteint, plusieurs décennies plus tard, une maturité réelle, qui leur donne une dimension de patrimoine.
Coupe 2, NNW-SSE, Gennevilliers-Paris jpg - 485.1 ko
La présence de grands ensembles d’immeubles de logements caractérise le paysage urbain de la sous-unité, limitée au nord par l’A86. A gauche, au nord de la Seine, la butte d’Orgemont est le seul relief notable.
Coupe 3, NW-SE, Bezons-Levallois jpg - 585 ko
La sous-unité peut être assez étroite, entre l’A86 et les tissus pavillonnaires de Colombes.
Des horizons naturels sensibles à grande échelle
Les buttes du Parisis, de l’autre côté de la Seine, peuvent, à l’occasion d’un dégagement depuis l’espace public, apparaître dans les horizons. La hauteur des tours offre à leurs habitants de beaux points de vue sur le paysage dégagé de la Seine et de ses plaines, et sur des horizons plus lointains. Dans ses limites, la sous-unité des grandes cités de la plaine alluviale ne dispose cependant pas d’accroches naturelles très évidentes : le relief est assez plat, les forêts ou jardins sont absents, la Seine est éloignée…
« Nous disposons d’un grand paysage quand même à Colombes, (…) nous avons des vues sur les coteaux d’Argenteuil en face. Pour nous, c’est très intéressant parce qu’on n’y fait pas attention mais quand on habite sur les coteaux ou dans des immeubles de grandehauteur on découvre cet horizon. Ayant un certain nombre de projets d’aménagement, nous avons essayé de travailler à la fois sur les liaisons à la Seine et sur le dégagement d’horizon vers les coteaux d’Argenteuil. »[Extraits d’entretien, Patrick Chaimovitch, Maire adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement deColombes]
Stade Yves Dumanoir à Colombes jpg - 411.3 ko
Grace au dégagement du stade, la silhouette des buttes du Parisis se découpe lisiblement à l’horizon, le ciel se découvre largement, les surfaces de pelouses apportent leur lumière et dialoguent avec les arbres présents sur les lisières du site.
C’est le volume même des bâtiments qui est appelé parfois, comme dans le cas des barres courbées du Luth, à caractériser les lieux, renforçant ainsi le caractère d’objet et de volumes sur lesquels repose la formation du paysage. Il semble que les effets de perspective soient évités, la position des volumes bâtis vient souvent s’interposer au débouché de ce qui pourrait offrir une respiration.
Station de métro des Courtilles, Asnières-sur-Seine/Gennevilliers jpg - 1.5 Mo
Autour de la station de métro, les volumes bâtis apparaissent encore comme une succession d’objets, en attendant les transformations urbaines suscitées par l’arrivée du métro.
Boulevard Jean-Jacques Rousseau, Gennevilliers jpg - 1.1 Mo
L’espace libre qui doit aussi être sécurisé s’encombre rapidement de clôtures, qui fragmentent l'espace et s'imposent à l'ambiance de l'espace public.
« Asnières est un cas particulier et très intéressant parce que c’est une ville assez fragmentée, assez hétérogène, ce qui fait son charme, mais avec une grande diversité des paysages : diversité morphologique, originelle mais aussi diversité construite par l’histoire et qui a abouti à un paysage très divers [dont sont constitutifs] les quartiers nord d’Asnières : les hauts d’Asnières, le quartier d’habitat social se situe au nord et à l’est de la commune en limite de Gennevilliers. Nous avons un quartier en zone ANRU, une vaste zone ZUS, (…) c’est un des secteurs de projets les plus importants de la ville. »[Extraits d’entretien, Hélène Streiff, Asnières-sur-Seine]
Gennevilliers, cité du Luth jpg - 1.5 Mo
Dans la cité du Luth, l’effet de perspective entre les barres est contrarié par la position de la tour qui vient étouffer la respiration que pourrait trouver l’espace public.
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Dans la cité des Agnettes, la disposition des barres « en baïonnette » ne permet pas la constitution de perspectives qui, dans les tissus urbains traditionnels, donnent un sentiment d’espace malgré les dimensions du bâti. L'horizon est assez systématiquement barré.
« Au sein du secteur résidentiel de la ville de Gennevilliers, le paysage est très marqué par le tissu de grands ensembles. C’est une caractéristique forte, avec deux grands secteurs :- le quartier du Luth qui fait l’objet d’un dossier ANRU qui se termine. Des voiries pénétrantes ont été créées, des barres ont été coupées, une barre qui fermait le quartier a été démolie sera remplacée par un immeuble de bureaux, un centre commercial a été démoli, il est en cours de reconstruction. C’est un grand ensemble qui s’est complètement transformé en terme de paysage ;- le quartier des Agnettes est coincé entre le centre administratif, la mairie, la gare des Agnettes, la gare Gabriel Péri, donc il a une belle situation. Pour autant c’est un quartier qui n’a pas fait l’objet d’intervention urbaine depuis sa création. »[Extraits d’entretien, Laurent Govehovitch, Gennevilliers]
Dans de nombreux cas, les immeubles sont volontairement dissociés des orientations de l’espace public et du parcellaire de l’ancienne plaine agricole. Plusieurs opérations comme la cité des Agnettes, du Luth, ou l’hôpital Louis Mourier ont été orientées selon les points cardinaux, sans articulation avec le socle ni avec les constructions voisines.
Avenue Audra à Colombes jpg - 1.7 Mo
Trois grandes tours se succèdent le long de la rue. Leur répétition et leur alignement déterminent une composition, en lien avec le dégagement du stade voisin.
La forme urbaine des grands ensembles propose également la générosité des espaces extérieurs, des traitements paysagers qui offrent aujourd’hui la beauté des arbres parvenus à maturité, des proportions généreuses laissant de larges ouvertures, le tout produisant pour les habitants une référence de paysage urbain.
« Les paysages des zones de grands ensembles sont des paysages très ouverts, de grandes ouvertures dans le paysage. Même si certaines de ces formes sont très monumentales, cependant c’est une forme de paysage qu’il faut prendre en considération. Il ne faut pas l’oublier, il existe. Les gens qui y résident ont ces références de paysage. C’est-à-dire que davantage que la référence de l’haussmannien comme on voudrait nous le faire croire parfois, leurs habitants ont la référence de ces territoires là, où ils vivent et là où ils ont grandi. C’est une réalité de paysage urbain et de pratique urbaine particulière, avec des grandes échappées visuelles, des espaces assez relâchés. Ce qui n’est pas du tout le cas quand on se trouve dans des petites zones pavillonnaires ou des petites rues et villas. (…) Il y a toute une partie assez unitaire de paysage sur le territoire, qui peut paraître rude mais qui est une vraie identité. »[Extrait d’entretien, Véronique Tirant, SEM92]
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Alors que les volumes bâtis dialoguent peu entre eux, la ligne de tramway vient apporter une réelle « communauté » à l’espace qu’elle qualifie par le tapis vert disposé le long des rails.
« Un gros travail a été fait avec l’arrivée du tramway qui a été mis en place en décembre [2012]. Je travaille sur la partie Gennevilliers-vieux village où on constate qu’une vie s’organise autour de la place de l’église (…) Ce tramway qui passe au milieu (…) apporte une qualité de vie qui à mon sens fait du bien à la population et rend les gens plus respectueux de leur environnement et de leur ville. »[Extraits d’entretien, Chantal Riutort, Sodearif]
Des espaces verts entre les barres et les tours
A l’échelle des opérations de logements, la référence à la nature est apportée par les espaces verts, dont certains ont agréablement mûri. Ces espaces verts se mêlent aussi souvent aux surfaces de stationnement et leurs limites avec les voies de circulations sont parfois difficilement identifiables. Ces paysages « d’accompagnement » peinent malgré tout à rompre la banalité des formes construites caractéristiques de l’époque et du concept d’urbanisme qui les a inspirées.
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Un square au pied des grandes tours, apporte son ambiance assez intime, qualifiée par les arbres qui ont pris de l’importance.
Avec les financements de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), des opérations visent à « réparer » les effets d’un urbanisme globalement assez brutal. La cité du Luth, remaniée par l’équipe de l’architecte Roland Castro en est un exemple marquant. Les barres très longues ont été scindées afin de reconstituer un maillage de voies, tandis que les façades donnant sur les rues sont remaniées pour instaurer un dialogue plus net entre le plein et le vide. Au sol, les espaces sont rendus plus lisibles : stationnements, jardins, espaces publics sont requalifiés.
Si l’effet de marge le long de l’A86 ne peut être réparé, le quartier est en revanche rapproché de l’espace collectif par la construction d’un équipement culturel majeur. Par son architecture identifiable, et sa relation déterminée à l’espace public, le centre culturel conçu par Rudy Ricciotti, contribue à rompre la banalité du quartier.
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Les nouveaux percements s’accompagnent d’une refonte des façades donnant sur les rues, instaurant une plus grande relation entre le plein et le vide. Les espaces extérieurs sont tous requalifiés, qu’il s’agisse des rues ou des espaces verts. Le centre culturel Aimé Césaire, conçu par Rudy Riciotti, inscrit le quartier dans la ville et apporte au paysage son architecture reconnaissable et soignée.
Le stade Yves Dumanoir à Colombes jpg - 856.4 ko
Le vaste équipement du stade, généreuse étendue de pelouse entourée d'arbres, offre un beau dégagement sur le ciel et sur les buttes du Parisis. Le paysage perçu depuis l'espace public environnant serait toutefois mieux valorisé avec un autre type de clôture.
La grande hauteur de l’hôtel de ville de Gennevilliers émerge en limite sud de la sous-unité, ponctuant la cité des Agnettes. Visible de loin, il inscrit parfois son volume dans les paysages lointains. Sur place, son inscription dans le territoire apparaît moins évidente : outre qu’il se démarque part sa taille, il est isolé par un socle épais et par le supermarché qui le flanque. L’hôtel de ville n’a pas généré autour de lui de centralité urbaine identifiable.
Hôtel de ville de Gennevilliers jpg - 1.1 Mo
Le grand bâtiment de l’hôtel de ville, visible de loin, joue le rôle de repère paysager et dialogue avec d'autres émergences à grande échelle (la tour Pleyel, la Défense…). Le supermarché et son parking l'accompagnent et marquent le paysage des voies environnantes. On ne trouve pas beaucoup de commerces dans les rues voisines : une "intensité urbaine" reste encore à conforter.