Paysages des abords du périphérique
Le boulevard périphérique de Malakoff à Montrouge
Le boulevard périphérique : un seuil très lisible
Cette fiche analyse les espaces, les ambiances, et la nature des passages entre Paris et sa première couronne sur une séquence située à Malakoff et Montrouge. À l’heure où se met en place Paris Métropole, la limite de la capitale peut être interrogée en tant que paysage. Sur cette séquence, elle se manifeste fortement comme un lieu en soi, et non comme une simple limite entre deux territoires. Plusieurs étapes successives, édifiées sur l’emprise des anciennes fortifications, composent un effet de seuil inscrit fortement dans le paysage.
9 étapes successives
Entre Paris et les communes voisines, on peut compter sur cette séquence neuf étapes successives pour franchir le boulevard circulaire. Ensemble, elles composent un seuil imposant, échelonné sur environ 750 m.
1 et 2 : une échelle spécifique au bord du périphérique
Le tissu urbain de Malakoff et de Montrouge ne se poursuit pas uniformément jusqu’au boulevard périphérique. Au contact du boulevard, les bâtiments se montrent plus élevés, plus vastes, construits sur des parcelles plus étendues que celles des tissus de la première couronne, et les établissements sont souvent eux-mêmes parisiens ou métropolitains, telle l’université. A l’instar du bâtiment de l’INSEE, les façades des bâtiments s’ouvrent sur l’espace dégagé du périphérique et s’offrent ainsi au regard de ses nombreux usagers, tout en tournant le dos à l’espace de la banlieue.
2,3 et 4 : le paysage du périphérique
Le boulevard périphérique est en soi un espace. Large, très fréquenté, identifiable, il associe les voies, les soutènements de la tranchée et les façades qui se dressent sur ses bords. Ces façades sont, sur cette séquence, plus nombreuses et plus visibles côté banlieue que du côté parisien principalement composé de grands équipements sans façades.
La tranchée du périphérique agit ici comme le fossé d’une fortification militaire, et marque de manière tangible une forte limite, infranchissable, sauf par les ponts. Les couvertures partielles ne visent pas nécessairement à rétablir des continuités fonctionnelles entre Paris et la banlieue, mais créent des espaces qui accueillent principalement des équipements (sports et squares), accessibles des deux côtés (même si les panneaux précisent que les équipements sont parisiens).
4 : une ceinture de vastes emprises d’équipements
Stades, établissements scolaires, ainsi que le cimetière de Montrouge, occupent de grandes emprises foncières en limite du boulevard. Elles ne sont pas plus franchissables que le périphérique lui-même, dont elles contribuent à renforcer le caractère d’obstacle.
5 : une frange de logements caractéristiques
Les immeubles d’habitations à bon marché (les HBM) construits sur les bastions des anciennes fortifications marquent profondément la frange parisienne, particulièrement sur le linéaire étudié, où ils constituent une très longue bande homogène, de la Porte Brancion à la porte d’Arcueil. Leur gabarit annonce celui du Paris haussmannien, et l’échelle de l’opération tranche fortement avec l’hétérogénéité et le parcellaire beaucoup plus petit du bâti de la première couronne.
6 : le boulevard des Maréchaux, l’ancienne limite
Le boulevard des Maréchaux empreinte l’ancienne route militaire des fortifications et, contrairement au périphérique, présente le caractère d’un boulevard urbain, en lien direct avec le bâti de part et d’autre. Il accueille désormais la ligne de tramway dont le tapis engazonné contribue à la qualité du paysage. C’est au niveau du boulevard que sont localisées les « portes » de Paris, aux stations de métro par exemple, désignant bien une limite de Paris. Les portes du périphériques apparaissent moins comme des seuils que comme des échangeurs.
7 et 8 : une frange bâtie et la petite ceinture
La voie ferrée, en tranchée, s’ajoute au boulevard périphérique et aux Maréchaux comme une troisième limite peu franchissable. Une épaisseur de ville se trouve ainsi enserrée entre le boulevard de Maréchaux et la voie ferrée : elle constitue une étape du seuil mais s’apparente fortement aux tissus parisiens.
9 : Paris
Ce n’est qu’après toutes ces étapes que les trajets conduisent au sein même du tissu parisien, dont les proportions (largeur des voies, hauteur des bâtiments) tranchent avec ceux des espaces de la couronne.
Des axes de passage
Alors que les multiples dispositifs de ceinture s’additionnent pour créer un seuil difficile à franchir, les axes passant au-dessus du boulevard périphérique créent des liens dans le territoire. Mais ils traduisent, dans leurs ambiances, leurs profils, les grandes différences entre Paris et sa première couronne.
Le fait que le périphérique soit en tranchée renforce leur continuité, et ils créent, de part et d’autre, des perspectives qui créent du lien, même si le seuil reste sensible.
Assumer un paysage de seuil ?
Les paysages urbains sont ici bien différents entre Paris et les communes de la petite couronne, cependant ces différences ne sont pas nécessairement un frein à l’identification d’un territoire métropolitain. Il serait illusoire de chercher à unifier les paysages tant les disparités sont structurelles.
De même, le boulevard périphérique représente une telle infrastructure, que son effacement nécessiterait de mobiliser de gigantesques moyens difficilement mobilisables actuellement. Ainsi, les efforts de couverture de la porte de Vanves ont été très coûteux et n’ont pas pu être reproduits ailleurs.
En outre, l’analyse montre que l’effet de limite difficilement franchissable du périphérique est renforcée pas les grandes emprises des équipements et leurs clôtures. C’est pourquoi, du point de vue du paysage, la recherche d’un lien plus proche passerait non pas par l’effacement du seuil, mais par le renforcement des axes qui le franchissent. Il serait en effet très intéressant d’approfondir ce qui, sur chacun d’entre eux, pourrait être envisagé pour en renforcer le confort et la lisibilité : aménagement de parcours piétons et vélos, cohérence des traitements d’espace public, renforcement même de la continuité urbaine dans le franchissement de la « portion servante », entre le boulevard périphérique et les HBM.
Sur le périphérique lui-même, la constitution d’un paysage partagé, fait de grands repères qui dialoguent entre eux, l’effacement des limites trop brutales comme les écrans acoustiques, peuvent constituer des pistes de lien territorial.
Enfin, sur le plan symbolique, il serait intéressant d’imaginer une continuité des dénominations des rues, de prévoir à terme l’effacement de la notion de porte, d’affirmer le caractère métropolitain des équipements situés sur le seuil. Ainsi, le jardin Anna Mary pourrait être un des premiers à s’afficher non comme un jardin « Ville de Paris », mais comme un jardin « Paris-Métropole ».
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