Les tissus de bâti discontinu et non aligné

Dans les diverses formes urbaines du XXème siècle, le paysage est marqué par la discontinuité des éléments bâtis et un rapport moins ordonnancé à l’espace public.


Le paysage "perçu" change radicalement selon la position des bâtiments vis-à-vis de l’espace public. Les contrastes paysagers qui en résultent sont parfois soudains, notamment au contact des noyaux anciens, et contribuent à la discontinuité du territoire.

Dans la deuxième partie du XXe siècle, la notion de rue a été fortement mise en cause, et de nombreuses opérations se sont implantées en retrait, sans alignement ni continuité. Le paysage est alors défini par les clôtures quand les parcelles sont closes, par la succession moins structurée des volumes bâtis et par une présence plus forte de la végétation, qu’elle soit incluse dans les parcelles ou dans l’espace public lui-même.

L’implantation des bâtiments en retrait de la rue procure un paysage radicalement différent, d’une lisibilité moins directe que celui du centre ville. L’espace de la rue est plus dilué, et se manifeste davantage pour lui-même, comme ici avec les plantations de palmiers.

Par endroits, la ville apparaît non pas sous forme de tissus, mais au contraire comme des opérations singulières, non répétitives. Certaines se côtoient pour former, comme autour du parc André Malraux à Nanterre, un paysage original, fait d’expérimentations architecturales assemblées autour du parc. Le motif du parc central, parfois retrouvé dans les opérations contemporaines d’aménagement ailleurs dans le département, apporte du lien et une profondeur paysagère, tandis que les bâtiments expriment leurs voix diverses, dominées par les silhouettes des tours de logements d’Émile Aillaud et celles de la Défense, aux formes comparables.

Quartiers de logements collectifs de type « grands ensembles »

Entre les années 1950 et 1973, ont été construits des ensembles collectifs de logements, souvent sociaux. L’ensemble du territoire départemental est concerné par ce type d’habitat, alors que par contraste, elle est quasi-absente du centre de Paris.

Répartis selon les opportunités foncières et les volontés d’accueil des communes, ils marquent surtout le nord du département, à proximité des activités de la boucle de la Seine.
On en retrouve également sous forme de poches réparties dans les autres tissus, parfois en « îlots » dans le tissu pavillonnaire, ou encore, comme à Gennevilliers, au contact direct du village historique qu’ils écrasent de leur échelle.

Ils sont également plus présents au sommet des plateaux qui n’ont été urbanisés que plus récemment, comme dans les secteurs de Buzenval et de Meudon-la-Forêt.

Le paysage de ce type de tissu est caractérisé par la hauteur importante des bâtiments, leurs formes de « barres » (rectilignes, et parfois arquées) qui peuvent être très longues, et de tours pouvant aller jusqu’à près de 40 étages (tour Aillaud à Nanterre). Leur implantation est généralement discontinue, dissociée de la continuité des voies. Il n’y a ni clôtures ni espaces extérieurs privés (du moins dans les projets initiaux), mais des zones de stationnement, et souvent de vastes secteurs de jardins accessibles à tous.

Leur organisation autocentrée, leur manque de relations avec les tissus environnants peuvent provoquer des contrastes très vifs de perception, et d’importantes ruptures de la continuité territoriale. La forme des réseaux de rues, associée aux modes d’implantation des immeubles, contribue souvent à constituer des labyrinthes d’espace. Dans certains cas, au contraire, les implantations contribuent à créer des espaces ensoleillés, abrités des vents (exemple de la cité de la plaine à Clamart).

Certaines opérations séparent les circulations motorisées et piétonnes (effets de dalle), contribuant à dissocier ces ensembles du reste du territoire, et formant des « isolats ».

Les formes architecturales, sans ornements, obéissent à la recherche de « rationalité » qui a marqué l’époque. Il en résulte souvent des ambiances urbaines peu localisables, avec des formes répétitives sans traits marquants : la banalisation est ici un enjeu de paysage.

Ces tissus font l’objet, depuis les années 1980, de campagnes de rénovation et de renouvellement. Les programmes de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), initiés depuis la fin des années 2000, peuvent notablement modifier les paysages, en combinant des opérations de démolition de grands immeubles collectifs (en totalité ou partiellement), de reconstruction selon d’autres typologies (immeubles sur rue, petits collectifs…), la réorganisation des espaces extérieurs, (création d’espaces extérieurs privatisés et clôturés (résidentialisation)), la recherche d’un meilleur maillage des rues, la requalification des aménagements.

Le modèle qui a prévalu lors de la Reconstruction et dans les deux décennies suivantes, semble aujourd’hui banni de la production urbaine contemporaine, au bénéfice d’îlots plus structurés. Ce rejet est probablement à rapprocher aussi de l’assimilation qui est faite entre la forme urbaine elle-même et les effets de la concentration de logements sociaux qu’elle abrite le plus souvent.

Le paysage résulte beaucoup du mode d’implantation : les barres sont organisées en « chicanes spatiales », rendant impossibles les effets de perspective, contribuant au sentiment d’enfermement souvent ressenti dans ces quartiers.

Sur la photo de gauche, l’opération se situe à proximité immédiate du grand ensemble de Massy. L’architecture contemporaine soignée, alignée sur la rue, l’importance et la qualité des équipements publics et des aménagements, tendent à constituer une image très différente de celle des grands ensembles, tout en visant à créer des lieux d’une plus forte identité.

Au Luth, les barres ont été recoupées pour atténuer les effets de cloisonnement, et des façades nouvelles, recomposées sur les parties tranchées, se présentent aux nouvelles voies créées.

Les quartiers de collectifs résidentiels

Du fait de la pression immobilière, les grandes villas du du XIXe siècle ont parfois évolué, au bénéfice d’immeubles collectifs inscrits dans des parcelles privées clôturées, en recul sur la rue, environnés de jardins arborés. A Neuilly-sur-Seine, notamment, cette typologie marque le paysage du quartier du Parc.

Les-cités jardins : des opérations remarquables

La terminologie désigne un mode de production, et recouvre en réalité diverses formes urbaines. Celles-ci ont cependant plusieurs points communs : une conception unique se développant sur un périmètre déterminé, un espace public fortement composé, souvent ordonnancé, une mixité entre bâtiments collectifs, individuels groupés, et une place importante accordée aux jardins (espaces publics, potagers…). Enfin, l’architecture du début du XXe siècle contribue elle aussi à les caractériser.
De nombreuses variations peuvent cependant être observées, notamment au sujet des modes d’implantation. La cité de la Butte Rouge à Chatenay-Malabry, par exemple, présente de généreux parcours piétons qui structurent le site.

Au Plessis-Robinson, les petits collectifs sur rue abritent de très intéressants cœurs d’îlot jardinés.

Les ensembles pavillonnaires : une part importante de l’espace urbanisé

Les quartiers pavillonnaires présentent d’importantes variations, cependant le type dominant dans les Hauts-de-Seine est celui des lotissements anciens, constitués sur le parcellaire agricole, et parfois sur les tracés d’anciens parcs (Meudon Bellevue). Ce tissu présente des emprises au sol assez importantes, et des implantations assez proches des limites séparatives. Les façades sont souvent percées sur la rue et sur le jardin, tandis que les murs latéraux, très proches les uns des autres, sont aveugles.

La pierre de meulière, très fréquemment mise en œuvre fin XIXe, début XXe siècle, apporte un élément d’ambiance et de caractère reconnaissable de « banlieue parisienne ».

L’espace public est diversement traité, le plus souvent en simples rues non plantées (l’habitat individuel nécessite en effet un important linéaire de desserte, couteux à constituer et à entretenir).
Cependant, lorsque les "jardins de devant" sont assez grands, ils peuvent accueillir une végétation qui contribue à animer la rue.

Sur le plan de la caractérisation du paysage, la forme est plutôt répétitive et ne permet que rarement d’identifier des lieux précis. Quelques cas se détachent cependant, lorsque l’espace public fait l’objet d’une composition ordonnancée, ou quand l’architecture se démarque, en particulier dans le cas de lotissements « huppés », comme par exemple ceux du parc de Sceaux, ou de la division Théry à Vaucresson.

Le plan général, la taille des parcelles, le style architectural, le traitement des espaces publics, tout concourt à énoncer un paysage spécifique, dont les qualités traduisent aussi un niveau social très élevé. Le lotissement a fait l’objet d’une protection au titre des sites du fait de ses qualités paysagères peu courantes.

Sur la photo de droite la qualité paysagère tient beaucoup à la forte présence des arbres plantés dans les jardins de devant, masquant les maisons depuis l’espace public, ainsi qu’au traitement singulier des trottoirs enherbés, voire plantés, qui accompagnent les clôtures dans une ambiance générale de jardin.

Comme le montrent ces exemples, le paysage des quartiers pavillonnaires repose beaucoup sur le mode d’implantation des bâtiments dans les parcelles : la position des façades, des clôtures, la présence des arbres, conditionnent la perception depuis l’espace public. La composition du réseau des rues, ses dimensions et ses traitements contribuent aussi fortement à l’ambiance paysagère et sont porteurs de caractérisation.

Enfin, l’architecture des pavillons, les matériaux et les couleurs des façades et des toitures, mais aussi les traitements des clôtures (dimensions, matériaux, couleurs, transparence, place de la végétation…) jouent aussi un rôle important de caractérisation paysagère.

Si l’on trouve de nombreux types de tissus pavillonnaires dans les Hauts-de-Seine, le département n’abrite en revanche que très peu d’habitat individuel dense, ou accolé, ou d’habitat intermédiaire.

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