La fragilité des axes de banlieue à banlieue
Le Grand Siècle structure incidemment la future banlieue
Les routes importantes rayonnent traditionnellement depuis Paris. Cependant, dans les Hauts-de-Seine, les contraintes de sites (Seine, coteaux) ont été moins favorables aux tracés rectilignes qu’au nord et au sud de Paris. Ainsi, hormis la nationale 20 qui, à la bordure sud-est du département, fait partie de ces grandes voies nationales emblématiques, les routes qui traversent les Hauts-de-Seine sont plus sinueuses et interviennent moins en tant que repères chargés d’histoire. Certains axes ont bien été renforcés par le pouvoir central pour leur rôle régional ou en tant qu’éléments de la composition urbaine (N306, axe du Louvre à la Défense) mais leur nombre est resté limité. De ce fait, certains axes transversaux auraient pu jouer un rôle structurant complémentaire, mais cela ne s’est pas produit.
Le territoire des Hauts-de-Seine est en effet concerné par deux axes transversaux historiques importants : en limite de Paris, la D912 (boulevard Victor Hugo à Clichy) et la partie sud de la N186. Dénommées respectivement « chemin de Versailles à Saint-Denis » et « route de Versailles à Choisy » sur la carte des chasses du roi de 1780, ces deux tracés n’avaient certes pas été pensés pour irriguer la future banlieue mais pour desservir Versailles, l’autre ville-centre depuis le XVIIe siècle.
Lorsque, après la Révolution, Paris a repris son statut de capitale unique, l’intérêt de ces deux axes, dans une banlieue non encore constituée s’est affaibli. Mais, lorsque l’agglomération parisienne les a rejoints plus tard, au XIXe et au XXe siècle, ils ont connu alors des destins originaux et radicalement différents de ceux des grandes routes radiales desservant Paris.
La D912 (boulevard Victor Hugo), un axe effacé par le boulevard Périphérique
On peut encore suivre sur une carte actuelle les vestiges du long tracé rectiligne du chemin de Versailles à Saint-Denis à partir du bois de Boulogne où il se raccordait à l’avenue de Longchamp. Dans Paris d’abord : boulevard Pershing, boulevard Gouvion-Saint-Cyr, avenue Stéphane Mallarmé, boulevard de Reims, boulevard du fort de Vaux. Puis, on le retrouve à Clichy et Saint-Ouen : boulevard Victor Hugo, puis Anatole France en direction de Saint-Denis. Cependant, à proximité de la porte de Clichy et de la porte Maillot, cet axe, qui avait déjà été malmené lors de la construction des fortifications à la fin du XIXe siècle, a été englouti par le boulevard Périphérique dans les années 1970, lui déniant, sans doute définitivement, toute possibilité de redevenir un élément de composition urbaine.
L'axe royal conserve un potentiel structurant jusqu'aux années 1970, avant d'être coupé par le boulevard Périphérique. Sources : carte d'Etat-Major (geoportail.gouv.fr), carte Ign 1900 (geoportail.gouv.fr), carte Michelin (viamichelin.com) |
La N186 Sud découpée en tronçons discontinus
L’histoire de la N186 est également étonnante. Pendant que la plupart des constructions d’autoroutes venaient doubler les routes nationales (dont elles reprenaient le nom A1, A7, A13, etc.), la N186 Sud était découpée en tronçons déconnectés les uns des autres à l’occasion de son doublement partiel par l’autoroute A86. Certains tronçons sont restés dans le tissu urbain, coincés entre deux échangeurs (Châtenay-Malabry), d’autres étaient transformés en autoroute ou en bretelle d’accès (Antony et au-delà), d’autres encore transformés en voie de desserte de quartier ou de zone industrielle. Cette improbable succession qui se poursuit tant vers les Yvelines que le Val-de-Marne rend impossible la restauration d’un axe structurant en termes urbains et paysagers.
La route de Versailles à Choisy en 1830, 1900 et actuellement (tracé surligné) jpg - 1.8 Mo Alternativement, l'autoroute remplace l'ancien tracé ou le double, empêchant sa conversion en boulevard urbain. Sources : carte d'Etat-Major (geoportail.gouv.fr), carte ign 1900 (geoportail.gouv.fr) et carte Michelin (viamichelin.com) |
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