La Défense

Limites et voisinages

La forme urbaine spécifique du quartier de tours et le tracé du boulevard circulaire déterminent les limites de la sous-unité paysagère de la Défense qui vient, du fait de la spécificité de ses constructions, interrompre la continuité de la sous-unité de la Seine des belvédères.

Les relations du quartier avec son voisinage sont marquées par les effets de rupture, mais aussi par les efforts pour y remédier : c’est en soi un enjeu du paysage urbain. Le boulevard à grande circulation, et surtout la dalle qui surélève l’espace public du quartier, tendent à l’isoler de ses voisins, et imposent à ces derniers une frontière peu aimable et difficile à franchir.

« La Défense est une entité. Elle a été réfléchie par son intérieur (…) L’enjeu est de se retourner, de [la] regarder autrement et de se demander où sont les arrières. [C’est un] paysage très fort mais fermé et clos. »
[Extrait d’entretien, Corinne Legenne, IAU IdF]

Motifs et compositions du paysage

Un motif majeur des paysages franciliens

La Défense est un motif « iconique » du paysage francilien par sa position sur l’axe des Tuileries et sa visibilité dans le grand paysage.

« C’est une skyline de dimension métropolitaine. (…) Le quartier d’affaires de la Défense, est très présent dans le paysage francilien. ‘Paysage’ au sens paysage physique du terme, mais aussi dans le monde économique puisque qu’avec ses trois millions et demi de mètres carrés, la Défense représente le premier quartier d’affaires européen. C’est un point de repère de l’ouest parisien me semble-t-il. Mais aussi dans sa relation avec Paris puisque nous sommes en co-visibilité immédiate de l’arc de Triomphe, sur l’axe historique. »
[Extraits d’entretien, Raphaël Catonnet, EPADESA]

Le « grand axe »

Le grand axe des Tuileries structure en perspective l’Ouest de la capitale. Il constitue l’armature des paysages urbains emblématiques parisiens qui s’y succèdent en séquences : le Louvre, les Tuileries, la Concorde, les Champs-Élysées, l’Arc de triomphe et la place de l’Etoile, l’avenue de la Grande Armée, la porte Maillot, l’avenue Charles-de-Gaulle et le pont de Neuilly, La Défense, les Terrasses de Nanterre…
En prenant place dans cette perspective, le quartier de la Défense participe à un paysage majeur et mondialement reconnu, auquel il contribue désormais fortement. La grande Arche de l’architecte Spreckelsen s’inspire de l’Arc de triomphe, les tours se présentent comme un cortège de part et d’autre de l’axe, paysage sensible depuis les Champs-Elysées. La perspective fonctionne aussi de La Défense vers Paris, grâce à l’Arc de triomphe installé au sommet de la colline de Chaillot.

« L’espace libre de la Défense est principalement sur le grand axe, qui est un peu sanctuarisé. On a l’impression d’y avoir concentré tous les vides, ce qui fait la force du quartier. Cela donne un signe très fort et un rapport au ciel particulier. »
[Extrait d’entretien, Raphaël Catonnet, EPADESA]

Premier quartier d’affaires en Europe, les tours abritent principalement des bureaux de sièges sociaux. En prenant position sur l’axe, le monde des affaires s’associe, symboliquement, à un « axe des pouvoirs » où se succèdent le Louvre, l’ancien château des rois de France, l’Assemblée nationale, le palais de l’Élysée, l’Arc de Triomphe des victoires napoléoniennes…

Un motif urbain vu et reconnu de très loin Les tours, très hautes (jusqu’à 231 m pour la tour First), dépassent très largement la nappe urbaine parisienne (23-30 m en moyenne). Avec la tour Montparnasse, le front de Seine, ou le Sacré-Cœur sur la butte Montmartre, elles appartiennent au cercle des « immeubles repères » du paysage métropolitain. Vu de loin, le quartier apparaît réellement comme une composante du paysage, d’autant qu’il dialogue avec les reliefs environnants, le plateau dominant la vallée de 140 m environ. Le quartier assure ce rôle dans le grand paysage ; la silhouette globale formée par les tours est cohérente et respecte une enveloppe globale qui l’apparente, dans un camaïeu de tons de gris et de surfaces réfléchissant le ciel, à une sorte de colline bâtie.
« Cette skyline est vraiment à préserver, car c’est une identité extrêmement forte. C’est le seul pôle où on a un tel nombre d’IGH (immeuble de grande hauteur) en Île-de-France aujourd’hui. »
[Extrait d’entretien, Raphaël Catonnet, EPADESA]
« Le territoire de la Défense est un territoire à part entière. C’est un isolat, une pièce urbaine quasiment iconique. Et en même temps cela fait paysage. C’est presque un repère qui articule cette partie du territoire. »
[Extrait d’entretien, Véronique Tirant, SEM92]
Plusieurs niveaux de sols Sur place, le quartier est caractérisé par sa structure sur plusieurs niveaux superposés : la dalle, espace public de référence, n’est que le dernier étage d’une succession d’espaces publics enterrés (les espaces de distribution des gares par exemple). Le terrain naturel n’existe plus, il est comme nié. L’entrée de l’axe sous la dalle, les innombrables passerelles, escaliers et ascenseurs nécessaires pour raccorder la dalle au sol des quartiers voisins témoignent, visuellement et dans les pratiques, de cette disparition du niveau naturel du sol.
« Il y a aussi un ‘paysage du dessous’ (…). C’est un paysage vécu. Il y a des gens qui ne sortent même pas à l’extérieur. Il y a des passages interieurs que les gens se créent depuis les transports jusqu’aux pieds de leurs tours. Selon moi l’infrastructure est quelque chose de très fort, qu’on sent très fortement dans ce lieu. Lorsqu’on arrive à la Défense, on arrive par les transports, on voit tout de suite l’infrastructure. »
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« Nous composons beaucoup autour des infrastructures qu’il faut finalement intégrer dans le paysage urbain. (…) [Les infrastructures constituent] un élément vraiment présent (…) et qui a été rendu complexe avec la superposition des niveaux de la Défense. »
[Extraits d’entretien, Maria Scicolone, Raphaël Catonnet, EPADESA]
Un paysage à l’échelle de la dalle La vaste dalle piétonne donnant accès aux tours et autres immeubles du quartier détermine un paysage spécifique, sans rues, mais structuré par le vide central de la perspective, ouverte sur le ciel métropolitain, et entraîné par la dynamique de l’axe. Alors que de loin, la Défense semble faite uniquement de tours et de l’Arche, de près, d’autres bâtiments, moins hauts, comme le superbe CNIT, contribuent aussi au caractère unique du paysage construit. De nombreuses œuvres d’art (parmi lesquelles les œuvres monumentales de Calder, Miro, Baragan, Takis…) et des jardins publics (notamment dans la partie sud-est) animent également la dalle. Le paysage se ressent aussi de la vocation tertiaire du quartier qui, très animé à la pause de midi, l’est beaucoup moins le soir ou le week-end, malgré les nombreux touristes en visite, les habitants -environ 20 000 - et l’activité du CNIT. La lumière est spécifique, les parois réfléchissantes renvoyant la lumière naturelle en effets improbables.
« Nous sommes dans une succession de bâtiments qui ont chacun une identité très forte, qui jouent sur la hauteur, sur des façades qui réfléchissent, qui renvoient la lumière, enfin sur cet esprit très marqué de la Défense. »
[Extrait d’entretien, Olivier Waintraub, Nexity]
Les contradictions du rapport à la nature Le quartier vient délibérément se positionner sur l’axe qui, associé au jardin des Tuileries, compose un véritable hymne au sol de la capitale. Cependant il nie, par la constitution de la dalle, ces mêmes reliefs, et l’élévation de la dalle ne permet plus de lire le léger coteau naturel en bord de Seine.
« Le quartier s’est positionné sur une topographie préexistante : la butte de Chantecoq qui en fait marquait un col . Les traces de ce col ne sont plus vraiment visibles, mais en tout cas il y a encore un versant et on sent qu’il est orienté vers Paris. Lorsqu’on se situe à la Grande Arche, on est un petit peu plus loin que le col existant, mais aujourd’hui c’est le point le plus haut, matérialisé par le niveau haut de la ‘terrasse’ de la Grande Arche, les fameux 74 NGF (nivellement général de la France) de Jérôme Treuttel, qui font point de belvédère et point de bascule. »
[Extrait d’entretien, Raphaël Catonnet, EPADESA]

Malgré cette relation contradictoire avec son socle topographique, la question du lien à la nature, à la Seine, à la biodiversité est traitée au sein de l’EPADESA.

« C’est très difficile de parler de biodiversité sur la Défense, alors que c’est quelque chose qui devrait rentrer finalement dans la conception des espaces publics. (…) Il y a un potentiel au niveau du boulevard circulaire sud. On parle de créer un lien en matière d’écologie avec la Seine, ce qui est complexe et qui demande pas mal de travail. Nous faisons travailler les maîtres d’oeuvre là-dessus. Tout proche du boulevard circulaire sud, il y aura un éco jardin Majunga1 qui se veut un jardin peu consommateur d’énergie, avec des essences locales. Alors qu’on se trouve à la Défense, on est ici en pleine terre, ce qui est extrêmement rare. On arrive quand même à aborder ces thèmes là. »
[Extrait d’entretien, Armelle Poumailloux, EPADESA]

On ne peut qu’être sensible au dialogue de l’architecture des tours avec le ciel. L’élancement vertical des formes, mais, peut-être surtout, les nombreuses façades réfléchissantes, unissent la perception du quartier à celle du ciel dont les variations sont répercutées sur les revêtements miroitants.


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