Un paysage de campagne jusqu’en 1850

publié le 31 janvier 2013 (modifié le 8 juillet 2015)
Albert Flamen, Le Village de Châtillon vu du côté de Bagneux. Musée d'Île-de-France, XVIIe siècle  en grand format (nouvelle fenêtre)
Albert Flamen, Le Village de Châtillon vu du côté de Bagneux. Musée d’Île-de-France, XVIIe siècle
Une vue probablement représentative des campagnes des Hauts-de-Seine jusqu’au milieu du XIXe siècle : village enclos de murs, agrémenté d’arbres assez nombreux, vie rurale intense vouée à la culture céréalière et à l’élevage, dont une partie de la production devait alimenter Paris. C’est aussi un paysage ouvert mettant en valeur la présence des reliefs et les autres espaces bâtis.

Un habitat groupé et une intense activité agricole

Au milieu du XVIIIe siècle, seuls quelques faubourgs parisiens atteignent la future enceinte des Fermiers généraux (construite de 1784 à 1791). Fruit d’une croissance pluriséculaire, la ville, qui est déjà une des plus grandes du monde, occupe environ la moitié de sa surface actuelle.

Au delà, le territoire de l’actuelle banlieue comprend alors peu de villes importantes. Si les plus grandes, Versailles, Saint-Denis, Montreuil, Argenteuil ne sont pas situées dans les Hauts-de-Seine, les petits noyaux urbains, souvent associés à des parcs, y sont assez nombreux avec des différences nord-sud assez nettes.

  • Au nord de Rueil, des villes moins nombreuses et plus grandes qu’au sud, notamment Rueil et Nanterre, occupent les plaines alluviales, à l’exception des zones les plus basses fréquemment inondées.
  • Au sud de Rueil, des noyaux urbains plus nombreux et moins grands se répartissent dans une variété de configurations de reliefs, avec quelques nuances : la partie supérieure du plateau de Beauce n’est pas habitée et les sites à reliefs marqués ou leur proximité sont privilégiés (Sèvres, Issy-les-Moulineaux, Saint-Cloud, le Plessis-Robinson…).

La plupart de ces villes ou villages anciens correspondent aux centres des communes actuelles, avec quatre exceptions notables résultant de restructurations communales tardives [1].

Des parcs accrochés à chaque village

Tous les noyaux urbains du département comprennent au XVIIIe siècle un ou plusieurs parcs importants liés à des demeures aristocratiques (sauf Villeneuve-la-Garenne, village atypique en bord de Seine). Et rares sont les parcs isolés d’une agglomération, comme ceux de Madrid (sud de Neuilly), Courcelles (Centre de Levallois-Perret), et un groupe de parcs situés au sud de Rueil (Malmaison, Fouilleuse, Busanval, Saint Cucufa).

Parcs et jardins des berges de Suresnes et Puteaux vers 1780  en grand format (nouvelle fenêtre)
Parcs et jardins des berges de Suresnes et Puteaux vers 1780
Sous le mont Valérien, l’attractivité des bords de Seine, qui résulte de la proximité de Paris, est telle que de Suresnes à Puteaux, toutes les berges sont une succession de propriétés de 2 ou 3 ha avec jardins symétriques et demeures en fond de parcelles. Ici, la pression foncière est particulièrement forte mais les structures sont les mêmes que dans tous les villages : contigüité du noyau urbain et des domaines privés, séparation nette entre l’espace agricole et urbanisé, jardins périurbains enclos.

Une proximité versaillaise autant que parisienne

L’espace situé entre Versailles et Paris se distingue par l’importance des domaines boisés et des grands parcs. Sans doute faut-il y voir une double influence, celle de Versailles, siège de la cour, et celle de Paris, capitale économique et culturelle. Les grands du royaume trouvent dans les Hauts-de-Seine des sites proches des lieux du pouvoir, des reliefs propices à l’implantation des châteaux et aux développements de leurs jardins, et des forêts pour la chasse.

Terres de chasses et résidences aristocratiques se disputent ainsi une bonne part du territoire du sud-ouest de l’actuel département des Hauts-de-Seine. De Saint-Cloud à Sèvres, c’est même tout le coteau dominant la Seine qui est ainsi occupé. Et de grands noms restent associés aux lieux : Monsieur frère de Louis XIV, ainsi que Marie-Antoinette et Napoléon à St-Cloud, Le Grand Dauphin, fils de Louis XIV, à Meudon, Colbert à Sceaux, Richelieu à Gennevilliers, Napoléon et Joséphine à la Malmaison, la Pompadour à Bellevue, et plus tard, Chateaubriand à La Vallée aux loups…

Carte de l'occupation du sol à la fin du XVIIIe siècle  en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte de l’occupation du sol à la fin du XVIIIe siècle
Avec Paris ramenée à ses dimensions de l’époque, le sud-ouest des Hauts-de-Seine apparaît plus nettement sous l’influence de Versailles.

Au XVIIIe siècle, Paris grandit, mais pas les villages des environs

Entre le milieu et la fin du XVIIIe siècle, les faubourgs parisiens s’étoffent, des extensions apparaissent également dans quelques villes proches (Auteuil, Passy, Neuilly). Mais plus loin de Paris, les villages évoluent peu et restent dans leur enveloppe bâtie.

Mémoire des lieux à la périphérie de Gennevilliers (cartes de 1740 et 1780)  en grand format (nouvelle fenêtre)
Mémoire des lieux à la périphérie de Gennevilliers (cartes de 1740 et 1780)
En dehors de la croissance des faubourgs parisiens, peu d’évolutions affectent les villes entre le début et la fin du XVIIIe siècle. A Gennevilliers toutefois, sans doute parce que la ville est un peu isolée et parce que le relief y est moins propice à une implantation spectaculaire, le parc avec jardin à la française est arrivé un peu plus tard que dans les autres villes. Deux axes orthogonaux apparaissent ainsi sur la carte des chasses du roi, selon un modèle quasi romain. Du premier, traversant la boucle du nord au sud en recoupant astucieusement la courbe que faisait la route initiale dans le village, il reste la partie sud qui correspond à l’axe de l’avenue Gabriel Péri et la rue Richelieu actuelles. Du second, vers l’ouest, il ne reste rien. Quant au parc, la cité-jardin (rue Chevreul) qui en occupe l’emplacement a hérité de sa symétrie.


A la veille de la Révolution, les surfaces boisées, les parcs, les garennes, y compris leurs réseaux d’allées en étoiles ont des limites proches de celles d’aujourd’hui. A quelques différences près : la garenne de Colombes disparaîtra au XIXe siècle au profit de l’urbanisation (avec environ 100 hectares reconvertis, c’est probablement le déboisement le plus significatif des Hauts-de-Seine des derniers siècles). A contrario, entre Chaville-Vélizy et Meudon, le centre de l’actuelle forêt de Meudon est encore une vaste clairière en 1740, et au sud du parc de Meudon, les boisements n’apparaissent structurés en réseau géométrique qu’à la fin du XVIIIe siècle.

Le reste du paysage du XVIIIe siècle, c’est-à-dire la grande majorité, est agricole. Partout, l’espace apparaît exploité et desservi par un réseau dense de chemins qui dessert des parcelles labourées, des vignes, des vergers. Mais là encore les différences apparaissent entre le nord et le sud du département.

Dans la boucle Nord, entre Rueil et Gennevilliers les champs sont souvent en lanières, agrémentés à distance régulière de « remises » à gibier, parcelles rectangulaires boisées de 1 à 4 ha environ. Dans cette même boucle, mais aussi de Clichy à Montrouge, dans ce qui constituera plus tard la bordure est des Hauts-de-Seine, la rareté des villages, hameaux, constructions isolées ou autres équipements est également caractéristique. La présence d’une caserne à Rueil, comme d’une abbaye à Longchamp font exception. Pour le reste, la carte des chasses de 1780 mentionne quelques « folies », quelques moulins, quelques carrières, parfois étendues (carrière aux Loups à Nanterre) ponctuant l’espace rural à intervalle kilométrique.

Le sud du département, peu boisé, a également des accents ruraux. Mais le paysage agricole des plateaux Sud est moins géométrique qu’au nord en ce qui concerne le parcellaire, les réseaux et les villes. De plus, il apparaît le plus habité, avec, autour de Sceaux, des villages proches les uns des autres.

Ainsi, à quelques kilomètres de Paris, la densité bâtie précédant l’époque industrielle semble peu influencée par la capitale.

Carte du sud de Paris en 1740  en grand format (nouvelle fenêtre)
Carte du sud de Paris en 1740
Partout, l’espace rural est parcouru de nombreux chemins et de voies importantes vers Paris, mais le territoire semble plus habité dans les environs de Sceaux qu’entre le Luxembourg et Bagneux.

[1Il s’agit de :

  • Levallois-Perret dont les limites communales tracées en 1867 vont couper le modeste village de Villiers, détruit peu de temps après.
  • Bois-Colombes et la Garenne-Colombes, communes extraites tardivement du territoire de Colombes (respectivement en 1896 et 1910) et qui ne comportent aucune construction avant le XIXe siècle.
  • Enfin, entre Montrouge et Vanves, aucune construction ne semble préexister à Malakoff avant le milieu du XIXe siècle, la commune est extraite de Vanves en 1893.

Voir aussi :