Synthèse de l’atelier

publié le 13 novembre 2013 (modifié le 6 juillet 2015)

Pour conclure l’atelier, la « synthèse » a repris les thèmes qui ont dominé les projets et les échanges : les liens à créer dans le territoire, les réparations des blessures qu’il a subies, l’articulation des échelles.

Ensuite, chaque projet est abordé sous l’angle des valeurs du paysage et des réponses qu’il y apporte, ce qui n’a pas pu être énoncé faute de temps le jour de l’atelier.

Synthèse des travaux de l’atelier, par Michel Collin


Un besoin remarquable de liens

Dans les projets dont nous avons débattu, de nombreuses dispositions sont destinées à ce que les éléments du territoire entretiennent entre eux des liens, de divers ordres, et que ces liens soient sensibles aux habitants et aux visiteurs des territoires.
Ce souci de cohérence, de continuité, ce besoin que « ça aille ensemble » se retrouve dans le vocabulaire des présentations et des échanges ; une profusion remarquable de mots ayant trait à cette notion de "liens" ont été utilisés.
Cela indique de manière forte les enjeux propres à ce territoire proche de Paris, et confirme son état de morcellement qui semble réellement ressenti.

Une attitude de « réparation »

Chaque projet porte l’idée de « réparer » quelque chose de meurtri, associant la création de quelque chose de nouveau à une œuvre de « soin ». Il a été question de « blessures », de territoire « martyrisé », de « cicatrisations », l’urbaniste devenant à la fois créateur et soignant. Les blessures sont principalement dues aux développements urbains du XXe siècle, notamment aux grandes infrastructures routières, mais aussi à la constitution de tissus « hors-sol », détachés des orientations parcellaires et sans articulations avec leurs voisinages.

Le côtoiement et l’emboîtement des échelles

Les échanges rappellent aussi que le paysage se « révèle » non seulement à diverses échelles, du grand paysage jusqu’aux proximités familières, mais aussi dans les passages de l’une à l’autre, dans la subtilité de leurs « emboîtements » qui font que, par exemple, l’on est à la fois dans le parc de Saint-Cloud, sur un belvédère dont on peut toucher la rambarde, et dans l’espace parisien au sens large. Ces relations entre le vaste et le proche, entre le grand et le petit, contribuent elles aussi à la construction de l’identité paysagère et demandent à chaque étape que les acteurs s’identifient dans l’espace qu’ils partagent. Cela ne relève pas que du « zonage », mais aussi de complexes intersections et superpositions.

Une mutualisation des regards et des projets

L’atelier a éclairé l’intérêt de mieux connaître les projets en cours et leur aspect « cumulatif » sur la production des paysages, nécessitant ainsi un rapprochement des partenaires de l’aménagement. L’angle du paysage rappelle la continuité du socle et sa transversalité par rapport aux découpages administratifs : le cours de la Seine, le mouvement du coteau, les horizons parfois très lointains rappellent aussi cette « communauté du paysage ». Les usages en sont un autre aspect : un paysage partagé, c’est une communauté. Ainsi, il a été rappelé que le vallon de la Malmaison constitue un objectif régulier de promenade à pied pour les habitants de Colombes.

L’enjeu de lien et de continuité au centre du vocabulaire des tables rondes
Quelques expressions et interrogations piochées lors des tables rondes relatives au lien entre les composantes et à la continuité du territoire :

« Reconquérir le lien avec la Seine »
« Quelle relation à l’axe magistral ? »
« On détruit les communes et on prolonge Paris, on perd notre identité en évinçant les logements sociaux »

« Faut-il que la station de métro soit un motif dans le paysage ? »
« Quel dialogue avec le cimetière de Bagneux ? »
« Un projet de paysage, c’est donner une forme aux espaces qui n’en ont pas »
« C’est de la vraie nature spontanée accessible au public »
« On y vient à pied de Colombes »

« Seine inaccessible »
« Retrouver Saint-Ouen »
« Une confrontation apaisée entre la ville et la nature » (PNU)
Des espaces raccrochés même s’ils ne sont pas dessinés » (PNU)

Une synthèse des objectifs paysagers des 4 projets urbains


Clichy - plan guide

Le plan guide de François Leclerq vient répondre à de nombreux enjeux de paysage.
Il s’appuie sur les éléments en place pour valoriser le « lieu », à l’échelle de sa tension entre la Seine et Paris. Le projet vise à lui créer une ambiance propre, reconnaissable, l’originalité étant d’associer un jardin en bord de Seine à une perspective qui le prolonge dans la profondeur des tissus.
Le projet joue sur les repères en place et ceux qui vont surgir, pour structurer un balisage des perspectives : vers Montmartre, vers l’hôpital Beaujon, vers le futur tribunal de grande instance de l’architecte Renzo Piano.
La Seine, référence du socle naturel, devient « acteur » de l’espace urbain, dans la continuité de la perspective « rue de Seine » jusqu’à son ouverture finale, mais aussi dans les usages, la berge du fleuve devenant enfin un lieu de vie. Proposer cette image de la Seine crée un « désir ».
Le paysage étant aussi affaire de représentations, le projet donne une image de ce qu’il peut être et rencontre apparemment pas mal de succès (même si l’image est vue du ciel et ne rend pas compte des vues au sol). Gageons que le désir que la Seine suscite contribue à mobiliser les partenaires responsables de la RD1, dont le statut est interrogé sur tout le linéaire.
Le patrimoine de Beaujon devient motif de paysage magnifié, (peut-être un peu isolé ?) dans un contexte de « campus » dont le jardin l’unit à celui du bord de Seine (ainsi l’hôpital lui-même, de proche en proche, et par la continuité des espaces de jardins et des usages, se rapproche du fleuve).
L’espace est retissé par de nouveaux liens, notamment la perspective de la future « rue de Seine », qui retrouve l’orientation parcellaire historique inscrite dans la topographie. Quant aux formes urbaines, elles ouvrent progressivement les îlots haussmanniens du centre-ville vers les futures façades sur le jardin fluvial, mais sans heurts. Cette progressivité profite aussi aux tissus plus éloignés de la Seine, qui sont ainsi associés à la forme générale du projet.

Nanterre - les Groues

L’ouverture produite par les voies ferrées se trouve « inversée », devenant pièce maîtresse du projet et non repoussoir sur lequel ne donneraient que des « arrières » (ce qui est un peu le cas vu des terrasses). Cette ouverture est mise à profit pour servir plusieurs types d’enjeux, notamment celui du repérage offert par les horizons (la Défense à l’est, la vallée de la Seine à l’ouest).
Alors que le site se trouve dans l’axe de l’arche de la Défense, il faudra penser à simuler l’effet du futur stade Arena et son rôle éventuel de nouveau repère. Quant à la Seine, son ouverture et sa lumière sont lisibles, comme les hauteurs des buttes du Parisis, repère géographique qui « ancre » le lieu.
L’originalité de cette ouverture « ferroviaire » devrait contribuer à formuler un lieu reconnaissable. Notons avec amusement que « Les Groues » semblent faire référence dans la toponymie à un terrain caillouteux, ce qui n’est pas sans lien avec le ballast. Les « déhanchements » des volumes bâtis, leurs effets de surprise dans l’espace public, dans les découpes du ciel et dans l’architecture à venir pourront eux aussi devenir un moyen de reconnaissance.
Le projet œuvre beaucoup pour accueillir les cheminements au contact de l’ouverture et des vues qu’elle structure en multipliant les passages et les continuités. Il crée aussi des liens lisibles et confortables vers les gares au fond desquelles le projet travaille à apporter la lumière naturelle et le ciel.
En dehors de la Défense, il est peu fait mention des voisinages. Pourtant, les Terrasses, l’axe des Tuileries sont à proximité, de même que le parc André Malraux et les tours d’Emile Aillaud en symétrie de l’autre côté. A Courbevoie, en limite du projet, le grand immeuble de la rue du Clos Lucé et sa surprenante architecture aux accents italiens appellent un « dialogue »…

Parc naturel urbain (PNU) de La Malmaison

A plusieurs échelles, le site du PNU contribue à la lisibilité du territoire : il participe à un horizon boisé, « horizon de nature » majeur lisible depuis notamment le mont Valérien, et offre lui-même par sa situation de rebord de belles vues sur son environnement. Peut-être sont-elles d’ailleurs encore plus nombreuses ? Les ouvertures actuelles soulignées par les tables d’orientation donnent plutôt vers le nord, vers la Défense, Nanterre et Gennevilliers. Mais la position du site devrait aussi permettre de voir la boucle et la terrasse de Saint-Germain, le Vésinet…
La nature « palpite » dans le site et motive les orientations de gestion, avec plusieurs questions majeures : l’accueil du public transforme-t-il la nature en jardin ? est-ce alors encore de la nature ? où poser le curseur ? Il s’agit bien là d’appréciation, ce qui justifie que les décisions se prennent collectivement. Mais on peut rappeler que les forêts, lieux de nature, sont accessibles et même aménagées pour la chasse, ce qui n’empêche pas la vie sauvage de s’y développer…
La nature domine aussi très largement le discours entourant le site et l’initiative, ce qui permet effectivement d’en faire un « paysage apprenant » sur les questions de l’environnement et de la biodiversité. Ce n’est cependant pas sa seule dimension. Les très beaux parcs de la Malmaison et de bois-Préau sont impliqués dans l’opération et apportent une dimension historique et artistique importante au paysage.
Et, associé à la nature, le thème du passé agricole trouve ici la possibilité d’être à nouveau « perceptible ». Le projet de transfert de la ferme, la présence des jardins potagers d’insertion, le pâturage des moutons permettent de « réveiller » cette épaisseur de l’histoire du territoire.
Le site s’inscrit déjà dans le cadre de vie des habitants. On y vient à pied depuis Colombes pour la randonnée et, surtout, il est aménagé pour en apprécier la continuité : la passerelle permettant de franchir la RD 913 assure la jonction entre le fleuve et son coteau mis à la disposition de tous. Il apporte aussi la preuve que l’on peut franchir ou s’affranchir des coupures routières, le site étant dans son entier l’ancien tracé d’une route finalement enterrée (l’autoroute A86).
Il est aussi un des moments où la nature « fait partie » de la ville sans s’y opposer : les cadrages urbains depuis les prairies ne choquent pas. Au contraire, les oppositions d’ambiance renforcent le caractère de chacune des composantes, la ville toute proche accentuant l’ambiance de nature du site.

Bagneux - quartier nord

Le site des futures stations de métro se trouve un peu éloigné des grandes composantes naturelles ou des repères urbains marquants. Il n’offre pas de belvédère sur les environs et ne se trouve pas non plus en vue depuis d’autres points de vue notables. C’est donc en lui-même qu’il doit trouver ce qui fera lieu, notamment par la condensation d’un pôle de centralité.
Une question se pose au sujet de son identification : alors que le métro vient resserrer le lien avec Paris, quelle « identité » pour le quartier d’une station si proche de la capitale (un peu plus de 2 km à vol d’oiseau, 6 mn à vélo) ? Le site doit-il se singulariser ou bien cultiver une différenciation ?
L’architecture des barres de logements ne permet pas aujourd’hui de créer un repérage, une identification. Leurs formes ressemblent à bien d’autres situées ailleurs et leurs implantations ne dessinent pas non plus d’espace public majeur. Une tour de logements, unique parmi les barres et les tissus pavillonnaires, apparaît actuellement comme « pivot central » et pourrait contribuer à créer un repère au carrefour des rues Henri Barbusse, Pasteur et Victor Hugo : la centralité pour faire lieu. Mais on peut aussi remarquer que le linéaire de la rue Victor Hugo, ses commerces, le théâtre jouent un rôle comparable.
La nature semble loin. La référence est la vallée de la Bièvre au rebord duquel se trouve le site, et quelques vues s’ouvrent dans les percées transversales vers l’hôpital Gustave Roussy à Villejuif (94) sur le versant opposé. Hormis l’axe Victor Hugo, les orientations parcellaires principales s’inscrivent dans la pente de la vallée,
Mais la nature la plus proche est celle de l’espace public, les arbres des jardins, des rues, des places, même ceux des parkings ou du cimetière tout proche. Le projet recense ainsi les espaces verts, constate leur relative générosité et appuie sur leur présence la notion de « ville-parc ». La proximité du cimetière de Bagneux, vaste « jardin », reste une opportunité ne nécessitant la création que d’une porte de plus…, et la gare pourrait alors mêler les publics, devenir un lieu de destination depuis Paris.
C’est ainsi le cadre proche, quotidien, qui est travaillé en paysage, la somme des espaces verts étant augmentée par leur mise en réseau (un « ring »). On regrette d’autant plus la mobilisation future du plus grand parc du secteur par le chantier du tunnel.
De nombreux collages de tissus sont sensibles, pavillons, barres et tours, ébauches d’alignements haussmanniens que ponctuent de grands équipements.
La lisibilité de l’espace public, sa continuité, celle que peut lui donner la végétation sont des axes de réunification. Le maillage, autant que la centralité, permet de l’envisager mais se heurte à la position des barres interposées systématiquement devant toute ébauche de perspective.