Repères, perception visuelle : enjeux de la Boucle de la Seine d’Issy-les-Moulineaux à Clichy
Enjeux d’identification, de repérage et de caractérisation
Sur un territoire assez restreint, la boucle dispose d’éléments de repérage et de caractérisation de grande valeur, contribuant au fait qu’elle constitue un des secteurs les plus recherchés de la métropole.
Le coteau et son horizon identifiable, la Seine et le bois de Boulogne sont autant d’accroches sensibles au socle naturel (voir présence sensible des éléments de nature), tandis que les vues sur Paris, le périphérique, et les tours (tour Horizon à Boulogne-Billancourt, Séquana dans la plaine d’Issy, hôpital Beaujon à Clichy…), complètent le dispositif avec des repères bâtis.
Une structure paysagère qui fait repère
La grande hauteur et l’emprise de l’ensemble d’immeubles Épinettes à Issy-les-Moulineaux démontre la fragilité de la lisibilité de l’horizon naturel du coteau et les concurrences inappropriées de hauteurs qui peuvent rapidement se mettre en place dans le paysage. Le relief du coteau s’élève en effet à environ 70 m, soit une hauteur équivalente à celle d’un immeuble de 23 étages.
Le coteau, référence naturelle, la Seine qui coule à son pied, puis la boucle urbanisée associée au site parisien créent ensemble une structure paysagère nettement lisible. Dans cette analyse, illustrée ci-dessous, la position des éléments bâtis notables se trouve de préférence en partie basse, tandis que le coteau est conforté dans son rôle de motif de nature où la végétation se manifeste sensiblement.
La structure paysagère jpg - 176.3 ko
La succession des séquences « coteau arboré-Seine-boucle urbaine » apporte une forte lisibilité qui contribue à la qualité paysagère de l’agglomération.
Les apports des ateliers :
- La topographie constitue un socle de repère, notamment grâce aux reliefs, aux vues lointaines (depuis les grandes buttes, les coteaux, les rues en pente, les bords de Seine…). Il est important de les mettre en avant et de les respecter. La topographie est à la fois ce qui est vu et ce qui permet de voir.- Par les vues, l’expérience de l’espace permettant une localisation, une identification des repères, il est rappelé combien les horizons de nature (la Seine, les coteaux) sont utiles à un sentiment d’appartenance au territoire.- Révéler et valoriser le socle géographique : la puissance de la géographie permet de se situer et de se repérer. Ainsi, le rapport aux grandes structures paysagères est le premier geste de l’aménageur. Il s’agit donc de redonner aux gens l’accès à ces espaces, parmi lesquels notamment la Seine.
La place des tours
Considéré depuis les nombreux points de vue du coteau, le site de la boucle est l’objet de projets de tours. Leurs positions et leurs hauteurs les font nécessairement interagir avec la perception globale du site, notamment le coteau.
Au sud, la tour de l’île Seguin et la tour Pyramide vont ainsi notablement ponctuer le paysage et s’ajouter aux émergences existantes.
Afin de bien considérer leur impact, il importe de mesurer avec précision leur future intervention, notamment dans les panoramas offerts par les nombreux belvédères et les perspectives des rues.
Les projets sont situés dans la partie de plaine, ce qui correspond à l’analyse supra. Cependant, l’enjeu consiste à éviter :
- Un écrasement de l’échelle du coteau naturel, horizon de référence, et de celle de la Tour Eiffel dont la position et la hauteur dialoguent fortement avec le coteau, et dont le caractère unique en fait un emblème parisien non concurrencé ;
- Une saturation des horizons par une accumulation d’émergences qui pourraient interférer entre elles ;
- Une trop forte dispersion des formes architecturales créant des effets de distorsions et d’incohérence, alors que le paysage de la métropole reste caractérisé par les ordonnancements de Le Nôtre et Haussmann.
Depuis le point de vue réel du parc de Saint-Cloud, les représentations du projet inscrivent nettement les tours dans le paysage, permettant de se figurer leur futur aspect.
Les débats et les nombreuses évolutions de ce projet sont révélateurs de la sensibilité liée aux paysages de la Seine et aux équilibres qui en assurent la qualité.
Les tours posent la question de paysage métropolitain. Leur impact est à considérer à cette échelle.
Impact de la tour Triangle, Paris, porte de Versailles. Carte APUR jpg - 1.7 Mo
La sensibilité visuelle du rebord du coteau apparaît ici nettement.
Tour du futur tribunal de grande instance de Paris, carte APUR jpg - 1.8 Mo
L’analyse de l’impact de la tour du TGI passe par celle des axes en perspective dans le cadrage desquels elle pourra apparaître.
La vue notable sur la métropole depuis le parc de Saint appelle une estimation de l’impact des projets de tours. Deux enjeux apparaissent à considérer dans le cas des deux tours : La concurrence de hauteur et de forme entre la tour Pyramide et la tour Eiffel ; Le dépassement éventuel de l’horizon du coteau pour la tour de l’île Seguin.
Les apports des ateliers :
- L’interaction et la « rétroaction immédiate » entre le paysage des Hauts-de-Seine et celui de Paris, et réciproquement (visions, repères) qui caractérise l’unité impose de s’affranchir des limites administratives. Historiquement, les paysages parisiens se sont souvent constitués avec des visions depuis les belvédères, en particulier celui du Mont Valérien. Cela est à mettre en écho avec les projets actuels de la « construction métropolitaine » qui doivent interroger les impacts paysagers qu’ils peuvent induire ;- La recherche de fabrication de repères peut mener à leur « effacement » et à de la confusion. La présence de trop nombreux éléments repères, en font perdre la force et le rôle.
Enjeux de perception visuelle
Assurer la conservation d’un exceptionnel dispositif de perception
Le coteau, les belvédères et les perspectives organisent un des plus remarquables dispositifs de perception de la métropole. La ligne de crête offre en effet de très nombreux points de vue dont certains ont été remarquablement mis en scène dans les parcs et les espaces publics majeurs : Saint-Cloud, Bellevue, Meudon, Brimborion, Bécon, terrasse Fecheray à Suresnes… et qui convergent vers le site parisien, la tour Eiffel se trouvant au centre de l’arc formé par les points d’observation.
Les axes urbains participent aussi au dispositif, avec de nombreuses perspectives débouchant sur l’horizon du coteau ou donnant sur les ouvertures de la vallée.
Plusieurs enjeux découlent de cette organisation exceptionnelle :
- Assurer une protection forte de l’ensemble du coteau, de ses belvédères et des perspectives, par exemple au titre des sites et des perspectives remarquables ;
- Répertorier les points de vue possibles ou potentiels depuis l’espace public (voiries et chemins de fer) pour en assurer la préservation et la mise en valeur ;
- Entretenir les belvédères qui ont été occultés par une gestion qui ne les a pas suffisamment identifiés (exemple de Brimborion). Le choix des essences et les modes de taille sont en effet à mettre en relation avec les dégagements visuels ;
- Assurer le dégagement visuel des belvédères par le contrôle des hauteurs bâties ;
- Simuler l’impact des projets d’ampleur depuis les points de vue du coteau.
Carte des perceptions jpg - 1.4 Mo
Repérage non exhaustif : - Arc des belvédères au rebord du coteau - Points de vue et belvédères accessibles dans l’espace public - Perspectives associées aux franchissements de la Seine et aux orientations du relief.
Sèvres, parc de Brimborion jpg - 1.5 Mo
Alors que les terrasses manifestent l’intérêt pour les panoramas que le site offre sur la boucle, la végétation est venu occulter des vues pourtant spectaculaires. Elles pourraient être retrouvées facilement par de simples mesures de gestion.
Les apports des ateliers :Un préalable indispensable est celui du diagnostic : la nécessité d’identifier les repères existants, afin que les projets soient dessinés en ayant cette connaissance. Ce travail d’identification des vues et des repères sur lesquels elles donnent doit notamment être effectué depuis les belvédères.
La perspective des Tuileries
A Neuilly, l’axe est occupé par une circulation intense, qui pénalise l’ambiance et occasionne une forte coupure. Le programme d’autoroute souterraine est justifié mais coûteux. La poursuite des programmes de transports en commun et de pistes cyclables (très appropriées sur le terrain plat de la boucle) peut également permettre une baisse du trafic et un plus grand confort sur l’avenue.
Le périph’
Au nord et au sud, le périphérique constitue un point de vue très fréquenté sur l’unité de paysage. Ainsi, le pont du Garigliano offre une scène paysagère caractéristique (dégagement du fleuve, vue sur la ligne des coteaux) qui mérite d’être « pilotée ». Chaque intervention doit être appréciée en fonction de son incidence sur son équilibre et sa cohérence.
Panorama de la Seine depuis le pont du Garigliano (Google earth) jpg - 299.5 ko
L’ouverture du plan d’eau, le fond de scène des coteaux, la tour des figures de Jean Dubuffet en position centrale, composent une perspective remarquable et offre au paysage de la métropole une référence d’horizon naturel. L’interprétation montre combien certaines réalisations interviennent dans la composition : l’immeuble des Épinettes, situé sur le coteau, vient rompre la ligne d’horizon boisé et écrase l’échelle du relief. Son impact est cependant atténué par les trémies du port qui dépassent elles aussi la ligne d’horizon. La tour TF1, sur le côté, contribue à l’effet de cadrage.