Paysages des Hauts-de-Seine, quelles représentations ?

publié le 2 avril 2014 (modifié le 8 juillet 2015)

Les acteurs locaux interprètent de manière très intéressante la notion de paysage, et leurs représentations à l’échelle départementale sont variées.

« C’est un vrai département de paysages, avec de forts contrastes. Au cœur de la métropole c’est sans doute celui qui a le plus de paysages qu’il est possible de raconter. »
[extrait d’entretien, Dominique Alba, directrice générale et Christiane Blancot, directrice d’études, APUR]

Évoquer le paysage, y compris pour des acteurs professionnels et associatifs, peut susciter des réflexions et interrogations : de quel type de paysage parle-t-on ? Tout peut-il faire l’objet de paysage ? Tout mérite-t-il d’être caractérisé de paysage ? Tous les paysages ont-il la même valeur ?

A la question portant sur les caractéristiques paysagères essentielles du département et/ou du territoire particulier sur lequel les enquêtés interviennent, les réponses sont diverses à deux titres :

  • Tout d’abord, la qualité, le territoire d’intervention et la structure représentée par l’enquêté influe indéniablement sur les éléments abordés pendant l’entretien. Professionnels de collectivités, techniciens, élus, professionnels de l’aménagement, associatifs, etc. peuvent avoir des entrées différentes concernant le paysage en fonction des outils à leur portée, de leurs objectifs et des enjeux y afférents. En outre, si une majorité des acteurs rencontrés interviennent à une échelle communale (collectivités [1], certaines associations), d’autres agissent à une échelle intercommunale (Grand Paris Seine Ouest, Vallée Scientifique de la Bièvres, EPADESA, associations), départementale (Service Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine, certains acteurs de l’aménagement), métropolitaine (APUR), et même régionale (IAU IdF, certains acteurs de l’aménagement). Liste exhaustive des acteurs rencontrés
  • D’autre part, les réponses révèlent l’extrême diversité paysagère du département : à la fois urbain et naturel, à la fois « resserré » et « relâché », bordé par la Seine et limitrophe de Paris, disposant de caractères paysagers exceptionnels et plus banals, se développant sur des topographies très marquées et plates, bénéficiant d’atouts paysagers majeurs et de « points noirs », etc.

Différentes composantes furent évoquées pour rendre compte de ces caractéristiques paysagères.

Les composantes naturelles majeures : topographie, Seine et espaces verts


Les « Hauts », la Seine
En premier lieu, de nombreux enquêtés se sont appuyés sur le nom du département pour en caractériser les attributs paysagers.

« Je dirais que c’est déjà dans le nom du département qu’on a des éléments forts : ‘Hauts’ de ‘Seine’ »
[extrait d’entretien, Corinne Legenne, IAU IdF]
Vue sur la Seine, Boulogne-Billancourt et Paris depuis les coteaux de Meudon en grand format (nouvelle fenêtre)
Vue sur la Seine, Boulogne-Billancourt et Paris depuis les coteaux de Meudon

La topographie, le relief (et ses contrastes), ainsi que les vues et les perspectives qu’ils permettent (ou non) d’offrir sont les premiers caractères paysagers évoqués.

« Le relief est quand même important par rapport à d’autres départements. C’est un des départements qui a le plus de relief, c’est là où c’est le plus marqué et le plus varié.  »
[extrait d’entretien, Adélaïde Bardon, IAU IdF]
« On observe une franche démarcation des paysages : entre la plaine, un paysage plutôt de coteau et puis la partie de plateau. »
[extrait d’entretien, Jean-Baptiste Le Corre, Grand Paris Seine Ouest]
Les Hauts-de-Seine présentent les reliefs les plus marqués au sein de la petite couronne francilienne  en grand format (nouvelle fenêtre)
Les Hauts-de-Seine présentent les reliefs les plus marqués au sein de la petite couronne francilienne
Source : IAU-IdF


Cette topographie produit une très forte relation visuelle entre le département et la capitale.

«  Le département des Hauts-de-Seine est un des rares endroits qui offre des belvédères sur la métropole, (…) depuis le mont Valérien, jusqu’à la terrasse de Meudon, par la succession des. coteaux. C’est un des rares endroits d’où Paris est visible dans son ensemble, la relation visuelle réciproque y est extrêmement forte  »
[Extrait d’entretien, Dominique Alba, directrice générale et Christiane Blancot, directrice d’études, APUR]

La topographie participe également à la qualité paysagère du territoire tout en lui attribuant un caractère, si ce n’est uniforme, en tout cas représentatif, comme l’évoque François Losheider au sujet de la Vallée Scientifique de la Bièvre, et plus largement du département. Lionel Favier fait quant à lui référence à un paysage « double », dont la topographie associée à l’urbanisme produit un paysage particulier.

« Je pense que la topographie est assez marquée dans tout le sud des Hauts-de-Seine, (…) à l’échelle plus large de la région, la topographie y est très présente. (…) On a souvent des paysages, des perspectives, des vues. Ce qui à la fois unifie et donne une qualité urbaine et paysagère au territoire. (…) C’est vrai que ça s’aplanit quand on s’approche de Paris mais pour autant c’est un élément fort.  »
[extrait d’entretien, François Loscheider, Vallée Scientifique de la Bièvre]
«  On s’appelle ‘Hauts de Seine’ : à la fois les hauts et la Seine, donc c’est vraiment ce qui marque. Il y a ce paysage double, ça saute aux yeux : ce paysage des hauteurs et ces paysages de plaine. Ce qui caractérise le département c’est cette très forte imbrication d’un urbanisme assez dense avec ce type de paysage. On a une ville paysage.  »
[extrait d’entretien, Lionel Favier, Neuilly Puteaux Seine Ecologie]

Toutefois la plaine, bien que nettement moins valorisée lors des entretiens, a été évoquée par Lionel Favier pour ses qualités paysagères, permettant notamment ces vues lointaines.

«  Si on se promène dans le parc des Chanteraines on est surpris par une chose : c’est qu’on n’a pas besoin de monter très haut (il y a un petit belvédère), [pour avoir] une vue qui est très étendue. On voit jusqu’à Montmartre, on voit très loin. Pourquoi ? Parce que dans sa partie nord qui était très industrielle, qui n’est pas très dense, ça ouvre beaucoup le paysage. Et cela permet de retrouver cette sensation de plaine qu’on avait lorsque c’était encore une plaine maraîchère.  »
[extrait d’entretien, Lionel Favier, Neuilly Puteaux Seine Ecologie]

La Seine, sa forte présence - le fleuve délimitant pour partie le département et celui-ci étant ponctué de deux de ses boucles -, est le second élément majeur identifié. L’analyse statistique des « 3 mots » [2] révèle en effet que la Seine constitue, tous entretiens confondus, le deuxième mot parmi ceux les plus souvent utilisés pour « résumer » le paysage du territoire.

«  On parle toujours beaucoup de la Seine, on a plus de mal à parler du cœur du département. J’aurais tendance à dire qu’il y a une espèce d’attirance, [le fleuve à tendance] à attirer tous les regards et on parle un peu moins de l’intérieur des territoires.  »
[extrait d’entretien, Corinne Legenne, IAU IdF]

Ainsi, la Seine est évoquée pour sa présence dans le paysage, mais également pour son impact sur la topographie et en conséquence l’occupation des sols du département. En effet, l’interrelation forte entre Seine et reliefs est très souvent exprimée et mise en avant, les deux étant interdépendants à la fois dans leur constitution et dans la perception des paysages.

«  Le caractère principal que je vois sur l’ensemble du département c’est la Seine qui a complètement travaillé et formé le paysage. À l’origine on avait un grand plateau qui a été entaillé progressivement par le fleuve ce qui fait apparaître ces deux méandres, et notamment cette dichotomie que l’on retrouve entre un paysage de plaine [urbanisée] sur la rive droite du fleuve, et un paysage de coteau et de plateau plutôt boisé sur la rive gauche.  »
[extrait d’entretien, Jean-Baptiste Le Corre, Grand Paris Seine Ouest]

La Seine détient un rôle de repère au sein du paysage par son « vide ». Les franchissements qu’elle occasionne et sa non constructibilité lui donnent un caractère « perpétuel » au sein d’un département pourtant soumis à de nombreuses mutations et emprunt d’une forte urbanisation.

«  Les villes sans fleuve ou sans cours d’eau c’est d’un ennuyeux… On ne sait pas où on est. En fait la Seine c’est aussi un repère. On le voit bien on dit ‘première boucle, deuxième boucle’, c’est un peu compliqué mais on s’y retrouve quand même. Ca n’est pas linéaire mais en gros on sait qu’il faut passer par exemple quatre fois la Seine pour aller quelque part. C’est un repère la Seine. On descend vers la Seine, c’est un repère vertical, un repère orthométrique. Je ne suis pas certaine qu’elle soit ressentie partout comme n’étant pas loin, mais ça n’est pas grave, elle est par là !
(…) Le plus grand atout de la Seine c’est finalement cette largeur qui ne sera jamais construite et qui de toute façon se ressent. D’où on est on ressent qu’il y a un vide, sauf si évidemment on a un mur devant les yeux. On peut construire à mon avis en bord de Seine à partir du moment où à un endroit on sent qu’il n’y a rien. Finalement la Seine, le plan d’eau, ça n’est pas ça qui est intéressant, c’est ce rien qui sera toujours rien  »
[extrait d’entretien, Sophie Schmitt, Sodearif]

Cependant, ce constat majeur relatif à la Seine comme composante du paysage est aussi très souvent suivi d’une atténuation de sa prédominance dans le paysage altoséquanais, en raison de sa non visibilité et/ou de sa non accessibilité, tel que c’est esquissé dans l’extrait de citation précédent.
Patrick Chaimovitch illustre cet enjeu au sujet de Colombes où les attributs que sont le fleuve d’une part, et la topographie (en l’occurrence relative aux coteaux se trouvant dans le département voisin du Val-d’Oise visibles depuis la commune) d’autre part, constituent des éléments paysagers à révéler et à valoriser à l’occasion de projets d’aménagements.

« Nous sommes sur un relief assez particulier puisque nous avons la Seine qui est un élément qui pourrait être structurant dans notre paysage, mais qui ne l’est pas complètement. (…) Nous disposons d’un grand paysage quand même à Colombes, (…) nous avons des vues sur les coteaux d’Argenteuil en face. Ayant un certain nombre de projets d’aménagement, nous avons essayé de travailler à la fois les liaisons à la Seine et également le dégagement d’horizon vers les coteaux d’Argenteuil.  »
[extrait d’entretien, Patrick Chaimovitch, Maire adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement de Colombes]
Vue sur les coteaux d'Argenteuil depuis les terrains de sport de Colombes en grand format (nouvelle fenêtre)
Vue sur les coteaux d’Argenteuil depuis les terrains de sport de Colombes


Cet enjeu de révélation et de valorisation de ces composantes paysagères majeures se retrouve sur de nombreux territoires du département.

Voir dans le même chapitre Richesse paysagère et paysages emblématiques

Les espaces verts et les paysages boisés
Si un mot (ou un ensemble de mots) parmi les « 3 mots » se détache indéniablement de l’analyse statistique, il s’agit bien de celui relatif au caractère « vert » du département, qu’il soit « naturel », « boisé », « forestier » ou aménagé (parcs, squares, liaisons vertes).

Ces notions sont en effet celles qui incarnent, pour un grand nombre des personnes rencontrées, une des caractéristiques essentielles du paysage altoséquanais. Elles représentent environ 15 % des réponses à la question des « 3 mots » alors que le deuxième mot le plus souvent évoqué (« Seine »), et pourtant quasi systématiquement abordé au cours des entretiens, comptabilise moins de 10 % des réponses.
Parmi les espaces évoqués, certains se distinguent par leur superficie (forêts et boisements du plateau entaillé) ou leur caractère emblématique (parc de Saint-Cloud, parc de Sceaux), d’autres disposent d’une inscription plus limitée et discrète dans le paysage. Mais tous participent du caractère « vert » et ouvert contribuant à la qualité des paysages et à la qualité de vie de ces territoires départementaux.

Nombreux de ces espaces boisés et forestiers se situent en position centrale du département comme l’évoque Jean-Baptiste Le Corre.

«  La caractéristique de notre territoire, c’est d’avoir un territoire très vert. Quand on regarde la carte, on voit tout de suite la différence ! On est vraiment dans un gradient de nature qui va de la ceinture verte de l’agglomération parisienne qui est située vers Versailles jusque vers la ville dense de Paris qui est perceptible rapidement. [Le territoire de Grand Paris Seine Ouest] est grosso modo en position centrale par rapport au département, on est vraiment dans la charnière verte je dirais du département. »
[extrait d’entretien, Jean-Baptiste Le Corre, Grand Paris Seine Ouest]

Les parcs publics, sous la forme de parcs urbains (ex. du parc des Chantereines ou André Malraux dans le nord du département), comme de grands domaines (parc de Saint-Cloud, etc.), tiennent également une place majeure.

« Je pense que dans l’esprit des habitants des Hauts-de-Seine, la notion même de paysage se limite, à mon avis, uniquement aux grands parcs publics : parc de Saint-Cloud, parc de Sceaux. Pourquoi ? Parce que ce sont des lieux de verdure où on peut aller en famille. Cet élément est évidemment à mettre en lien avec cette mode magnifique qui fait que les gens sont de plus en plus soucieux de la nature et de sa protection (…)  »
[extrait d’entretien, Nicolas Rousseau, Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de France]

Ces espaces verts, en même temps qu’ils participent à la création d’un paysage, participent également à la qualité de vie, à l’attractivité, et même à l’identité du département ou de communes, telles que Bagneux, le Plessis-Robinson ou encore Vaucresson, pour lesquelles le paysage (en particulier urbain et architectural) peut pourtant s’avérer très contrasté.

«  Il y a des espaces verts qui sont considérables sur les Hauts-de-Seine qui attirent beaucoup de nos clients. Il y a beaucoup d’attente pour pouvoir habiter à proximité de ces espaces verts, comme de la Seine. Il s’agit d’un territoire très recherché pour ses spécificités naturelles  »
[extrait d’entretien, Olivier Waintraub, Nexity Paris Val de Seine]
«  L’identité de Bagneux (…) c’est une ville populaire où il fait bon vivre, où il y a beaucoup d’espaces verts, beaucoup d’équipements publics, etc. (…) Il y a une logique, une continuité dans les espaces verts de Bagneux. C’est un aspect qui m’a beaucoup marqué quand je suis arrivée dans la commune : la présence des espaces verts liés, ou pas d’ailleurs, à des équipements publics.  »
[extrait d’entretien, Claire Boivin, Ville de Bagneux]
«  Les principaux atouts [du Plessis-Robinson] ce sont nos nombreux espaces verts. Nous avons la chance d’avoir le parc Sellier, le bois de la Garenne, le bois de la solitude, l’étang Colbert, la vallée aux loups qui n’est pas très loin. C’est un patrimoine vert qui est important qui n’est pas très loin non plus de la forêt de Meudon. Nous sommes donc dans un cadre très vert, très verdoyant. C’est ce qui fait que beaucoup de jeunes couples viennent s’installer au Plessis et dans ses environs, parce qu’ici on trouve un cadre qui est lié à la présence de la nature très abondante.  »
[extrait d’entretien, Philippe Pemezec, Maire du Plessis-Robinson]

A Rueil-Malmaison, comme à Vaucresson, ce patrimoine d’espaces verts se distingue par sa variété : forêt, espaces verts de loisirs, espaces privés arborés et Parc naturel urbain (parc situé sur les communes de Vaucresson, Rueil-Malmaison, Garches et Saint-Cloud). Les entretien menés dans ces deux communes, ont illustré l’importance de ces espaces dans les paysages communaux ainsi que l’enjeu de leur préservation.

Forêt de la Malmaison en grand format (nouvelle fenêtre)
Forêt de la Malmaison

Les équipements sportifs et de loisirs font partie du patrimoine paysager du département, ici le golf du Haras de Jardy  en grand format (nouvelle fenêtre)
Les équipements sportifs et de loisirs font partie du patrimoine paysager du département, ici le golf du Haras de Jardy
Source : leclub-golf.com
«  La qualité des paysages de Rueil est notamment due au fait qu’il s’agit avant tout d’une ville qui est verte (…) Nous avons un tiers de paysage en espace protégé (…) : le parc du bois de Préau pour la promenade familiale, tous les petits parcs de quartiers, la forêt de Saint Cucufa qui est très fréquentée, (…) le parc Jacques Baumel sur le Mont Valérien qui est en limite de Rueil, Suresnes et Nanterre, (…) et puis toute la vallée de Seine. (…) Nous avons développé avec le Conseil Général des Hauts-de-Seine une continuité de parc naturel urbain qui s’étend aujourd’hui depuis le Bois de Saint Cucufa jusqu’aux bords de la Seine (…)  »
[extrait d’entretien, Monique Bouteille, maire-adjointe à l’Aménagement et au développement urbain de Rueil-Malmaison]
Parc naturel urbain à Rueil-Malmaison en grand format (nouvelle fenêtre)
Parc naturel urbain à Rueil-Malmaison


Pour en savoir plus sur le Parc naturel urbain

Il est intéressant de noter que la notion de paysage est ainsi très souvent attachée à ces composantes « naturelles », topographiques ou vertes (hormis les territoires communaux intégralement urbanisés et ne se distinguant pas par des reliefs marqués, tels Clichy, Gennevilliers ou encore Montrouge). Ces caractéristiques sont appréhendées comme des composantes ayant une valeur paysagère irréfutable car qualitative et très présente dans les représentations culturelles du paysage altoséquanais. Cette citation, issue de l’entretien mené avec Véronique Tirant, illustre cette observation :

« Je connais plus le paysage urbain que le paysage paysager  »
[extrait d’entretien, Véronique Tirant, SEM92]

En effet au travers de cette citation on constate que l’urbain est dissocié du paysage dit « paysager ». Il y aurait donc un paysage indiscutable (le « paysager », associé aux paysages ouverts et naturels) et d’autres types de paysages à qualifier (ex. le paysage « urbain »).

Un autre constat fort est l’association, si ce n’est systématique du moins très fréquente, entre paysage, espaces verts et continuité, qu’elle soit naturelle au sens d’écologie, de biodiversité, ou visuelle. Ces réflexions sont notamment exprimées au sujet de la Seine, de la continuité résultant de la succession d’espaces verts ou encore de liaisons (plus ou moins importantes en termes de superficie) entre ces espaces. Cela s’observe dans les extraits précédents, notamment concernant les communes de Bagneux ou de Rueil-Malmaison. Cela s’observe également dans l’extrait suivant concernant la commune de Saint-Cloud où l’enjeu de préservation des espaces se concentre sur les espaces verts remarquables et les perspectives visuelles.

« Nous avons deux choses principales qui, selon moi, sont importantes à préserver : les espaces verts remarquables, et les vues sur Paris qui sont également remarquables sur certains points. (…) En parlant des espaces verts à préserver, c’est également de la continuité qu’il est question (…) et surtout la continuité des espaces verts en intercommunalité (…) et même au niveau interdépartemental.  »
[extrait d’entretien, Nathalie Dimopoulos, Ville de Saint-Cloud]

Ces liaisons, participant au paysage, peuvent prendre la forme d’aménagements de circulation. La commune du Rueil-Malmaison, associée à celles de Nanterre et de Suresnes, travaille à la constitution de réseaux de continuités, au sens de liaisons douces. Elle prend également appui sur ces réseaux pour orienter ces aménagements de continuités vers des aspects de pédagogie et de tourisme. Les continuités constituent donc des composantes de paysages également car ceux-ci sont vécus et fréquentés par les populations. Cela renvoie à la recherche de qualité de vie à travers ces espaces, précédemment évoquée.

«  Nous voulons valoriser toute cette partie, en continuité avec la ville de Nanterre. Nous avons un certain nombre d’itinéraires verts. Nous avons des thématiques de promenade pour lesquelles nous publions des "fiches d’informations" (…) pour permettre aux personnes de revenir de la gare par de petits itinéraires piétons ou vélos et de serpenter, etc. (…) Nous avons développé sur tous le territoire des réseaux de continuité, de double sens vélos. (…) Nous sommes en train de travailler au sein de la CAMV (Communauté d’agglomération du Mont Valérien) entre Rueil, Nanterre et Suresnes sur une boucle qui viendrait autour du mont Valérien pour une circulation vélo apaisée, par exemple. (…)
Nous avons la volonté de garder non seulement ces espaces verts, mais d’inciter les promeneurs à aller chercher les cônes de vue, les liaisons agréables bien sûr, mais à travers ça et bien au-delà de ça, des thématiques pédagogiques de faune, de flore, de promenades de santé qui ont été mises en place par le service de l’environnement, et qui se prolongent sur des thématiques culturelles et touristiques.  »
[extrait d’entretien, Monique Bouteille, maire-adjointe à l’Aménagement et au développement urbain de Rueil-Malmaison]

Le paysage urbain : du banal au remarquable


Une fois les composantes « naturelles » et/ou vertes des paysages développées lors de l’entretien, ou bien lorsqu’il est admis que l’urbain contribue également à la perception d’un paysage, les questions d’urbanité, de densités, de patrimoine, ou encore d’infrastructures sont largement abordées. En effet, le département des Hauts-de-Seine est urbanisé sur 91 % de sa superficie. En outre, cette urbanisation, bien que qualifiée de banale en certains territoires, revêt un caractère majeur lorsqu’il est question de patrimoine architectural ou d’ensemble iconique tel que le quartier d’affaires de la Défense.
Ainsi, si les mots ayant attrait à l’« urbanité », la « densité », ou la minéralité du paysage ne représentent que 8 % des mots prononcés en réponse à la question des « 3 mots ». Lorsque cet ensemble de mots est cumulé à ceux ayant trait au paysage urbain (« la Défense », « patrimoine bâti », « infrastructures », « activités »), il dépasse largement la représentation statistique atteinte par les termes associés aux espaces verts, avec près de 26 % (contre 15 % pour les espaces verts).

Le paysage urbain est principalement abordé sous deux angles : le patrimoine bâti et les infrastructures. En effet chacun de ces deux thèmes s’est retrouvé de manière récurrente lors des entretiens.

  • Le premier car la question de patrimoine est assez directement rattachée à celle de paysage par les acteurs, l’idée étant que si un « paysage » se dégage des villes, c’est en premier lieu grâce à son patrimoine architectural.
  • Le second thème, c’est-à-dire les infrastructures, en raison de leur inscription très marquante dans les paysages du département.

Bien que, lors de certains entretiens, les espaces publics aient été l’objet de discours au travers des des espaces verts ou bien pour décrire des tissus spécifiques (grands ensembles, tissus pavillonnaires avec sentes, etc.), les espaces publics en tant que tel ont quant à eux moins été soulevés (exception faite des espaces publics de la Défense et notamment la dalle).

Le patrimoine bâti et les tissus marquant le paysage

Le patrimoine fait paysage. Le paysage est un patrimoine.

«  La notion même de paysage est à mettre en lien direct avec la notion de patrimoine parce que je pense que la notion de paysage est conçue maintenant comme étant rattachée au patrimoine. Un paysage c’est un patrimoine ! Et en plus c’est très intéressant dans un département tel que les Hauts-de-Seine parce que les paysages sont très contrastés, aux portes de Paris, avec encore un patrimoine très intéressant, qu’il soit foncier ou simplement lié à la notion même de nature et de paysage avec des grands parcs. »
[extrait d’entretien, Nicolas Rousseau, Société pour la protection des paysages et de l’ésthétique de France]

Comme le soulignent Dominique Alba et Christiane Blancot, bien que le paysage urbain du département se caractérise par une très forte hétérogénéité d’attrait, du banal à l’exceptionnel, les Hauts-de-Seine comptent des éléments de patrimoine majeurs.

«  Ce territoire est très intéressant par ce que l’histoire lui a légué mais très banal par ce qui y a été construit récemment ; les territoires en bord de Seine qui étaient très hybrides et marqués par leur passé industriel, ont gommé cette histoire au profit d’un tissu urbain constitué de bâtiments banals qu’on peut retrouver n’importe où en France (…) A l’inverse entre les deux guerres, avec les cités jardins à Suresnes par exemple, les Hauts de Seine fabriquaient des lieux iconiques  »
[extrait d’entretien, Dominique Alba, directrice générale et Christiane Blancot, directrice d’études, APUR]

Parmi les éléments architecturaux et urbains marquants de ce patrimoine bâti, de nombreux sites sont évoqués. Le quartier d’affaire de la Défense, sa skyline, et sa position sur l’axe historique en est un prédominant. L’« esprit » de la Défense se définit par des opérations majoritairement de bureaux ayant chacune une identité propre et visant à se démarquer des autres tours du quartier d’affaire. La présence de ces tours attribue au paysage de la Défense ce que Maria Scicolone, de l’EPADESA, qualifie d’« âme très verticale ».

«  Le quartier d’affaires de la Défense, est très présent dans le paysage francilien. ‘Paysage’ au sens paysage physique du terme, mais aussi immatériel puisque qu’avec ses trois millions et demi de mètres carrés, la Défense représente le premier quartier d’affaires. C’est un point de repère de l’ouest parisien me semble-t-il, en relation directe avec Paris puisque nous sommes en co-visibilité immédiate de l’arc de Triomphe, sur l’axe historique. »
[extrait d’entretien, Raphaël Catonnet, EPADESA]
«  Nous sommes, à la Défense, dans cette succession de bâtiments qui ont chacun une identité très forte, qui jouent sur la hauteur, sur des façades qui réfléchissent, qui renvoient la lumière (…) c’est-à-dire des bâtiments qui sont entiers et qui sont chacun une œuvre architecturale. Cet esprit est très marqué. »
[extrait d’entretien, Olivier Waintraub, Nexity Paris Val de Seine]
La forte identité architecturale de la Défense se lit dans la conception de ses immeubles et tours en grand format (nouvelle fenêtre)
La forte identité architecturale de la Défense se lit dans la conception de ses immeubles et tours

Cité-jardin de la Butte rouge à Chatenay-Malabry en grand format (nouvelle fenêtre)
Cité-jardin de la Butte rouge à Chatenay-Malabry

Bien que revêtant une représentation moins forte que le quartier de la Défense, d’autres quartiers, ensembles urbains ou architecturaux, sont souvent relevés. C’est notamment le cas de certaines cités jardins dont la Butte rouge à Chatenay-Malabry.

«  La butte rouge est un quartier magnifique en terme de paysage et d’intégration dans le paysage. Je trouve que c’est un des plus beaux quartiers des Hauts-de-Seine parce qu’il osé la modernité architecturale en proposant des dispositifs urbains articulés avec subtilité dans le paysage : à cet égard il y a un dialogue entre monumentalité architecturale et topographie (traitement des articulations, carrefours…). De plus, dès les années 20 des considérations de développement durable sont mises en œuvre. »
[extrait d’entretien, Véronique Tirant, SEM92]

Voir dans le même chapitre Richesse paysagère et paysages emblématiques

Cependant, au-delà de ces repères quasi iconiques que peuvent être la Défense ou certaines cités jardins, le paysage urbain est également très souvent exprimé au travers d’autres éléments du patrimoine architectural et urbain présents sur le territoire. C’est par exemple le cas du quartier des Epinettes, en raison de sa forme urbaine mais aussi et surtout de son positionnement sur le coteau, à Issy-les-Moulineaux.

«  Il y a aussi pas mal d’immeubles de grande hauteur sur ce territoire et parfois implantés en hauteur, comme les Epinettes à Issy-les-Moulineaux. C’est très marqué dans le paysage. Parce que c’est très urbain et parce qu’il y a du relief. Mais c’est un des exemples où on a urbanisé en hauteur et en cassant le coteau. »
[extrait d’entretien, Adélaïde Bardon, IAU IdF]
L'important marquage des Épinettes dans le paysage altoséquanais, vue depuis le parc de Brimborion à Sèvres en grand format (nouvelle fenêtre)
L’important marquage des Épinettes dans le paysage altoséquanais, vue depuis le parc de Brimborion à Sèvres


C’est également le cas de nombreuses constructions ou formes bâties telles que des centres anciens, des châteaux, des bâtiments remarquables, des tissus pavillonnaires, etc. qui contribuent à valoriser le paysage urbain, comme à Nanterre, Asnières-sur-Seine, ou Clichy où un certain nombre de bâtiments sont remarqués et préservés au titre du Plan local d’urbanisme (PLU).

«  Nanterre dispose d’un patrimoine villageois avec ses granges, ses petites cours, des porches, des fermes et autre… (…) Le vieux Nanterre, la partie villageoise de la commune, est quasiment conservée dans son intégralité, mais souvent méconnue parce que dissimulée par les grands axes »
[extrait d’entretien, Manuel Moussu, Nanterre]
«  Nous avons une zone pavillonnaire assez exceptionnelle qui est dans la lignée de celle de Bois Colombes, de Courbevoie Bécon, de Colombes (…), et souvent la direction de l’urbanisme emploie le mot : « ville des jardins ». (…) Des éléments Art déco assez intéressants datant du début XXème, de petits immeubles Art nouveau de la fin du XIXème (…)
[extrait d’entretien, Hélène Streiff, Asnières-sur-Seine]
«  Il y a eu énormément d’éléments repérés [par le service urbanisme], je crois que c’est de l’ordre de 300 bâtiments. Il y a notamment le patrimoine Art déco qui a beaucoup été mis en valeur, mais aussi d’autres familles architecturales et patrimoniales. Il y a toute l’architecture faubourienne qui est proche du centre mais aussi pas mal d’architecture typiquement industrielle ou sociale, l’architecture de villas aussi. (…) Une trentaine de façades ont été sélectionnées et sont donc protégées dans le cadre du PLU. (…) Le service urbanisme travaille depuis plusieurs années sur une mission de patrimoine, avec un groupement qui est assez large qui intègre aussi bien urbanistes et architectes du patrimoine que des paysagistes et une sociologue. Ce groupement travaille sur le repérage des éléments et des séquences remarquables, assortis d’une étude paysagère. »
[extrait d’entretien, Céline Dernoncourt, Clichy]

Le paysage urbain, en raison de sa diversité, peut être difficile à définir et à caractériser. C’est notamment le cas de la commune de Colombes où une grande hétérogénéité des années et des styles de constructions, des types de bâti, ou encore des fonctions urbaines contribue à une absence d’identité propre du bâti urbain colombien.

«  Aujourd’hui rien ne définit le paysage urbain et bâti de Colombes. Nous avons un paysage qui est très varié (…) c’est un paysage très perturbé. Donc on a des difficultés à exprimer ce qu’est le paysage urbain de Colombes. (…) il est très hétéroclite.
On a la pyramide qui est très imposante dans le centre ville, on a un vieux clocher, (…) on a un côté village, des anciens corps de ferme qu’on cherche à préserver, (…) on a même de l’architecture de grands ensembles, beaucoup de grands ensembles. Il y a des bâtiments qui peuvent dater des années 30 en briques qui ont des caractéristiques particulières, mais aussi des bâtiments des années 70-80 qui ont aussi des qualités intrinsèques au plan architectural. Comment mettre en valeur toute cette diversité architecturale ? »
[extrait d’entretien, Patrick Chaimovitch, Maire adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement de Colombes]

Voir dans le même chapitre Diversité et mosaïque urbaine

Souvent préoccupés par la question patrimoniale, les acteurs associatifs rencontrés, y associent un constat et/ou une menace de disparition. Lorsque des associations telles qu’Environnement 92, se concentrent notamment sur le patrimoine vert des forêts et autres parcs, Nicolas Rousseau, représentant la Société pour la Protection du patrimoine et de l’esthétique de France, alerte sur la disparition du patrimoine bâti ancien.

«  Il ne reste aujourd’hui pratiquement plus rien de la vision d’un paysage qu’on pouvait encore avoir à la fin du XVIIIe siècle, début du XIXe siècle, parce que dans un espace géographiquement réduit, il y a eu une telle pression démographique, que l’urbanisme a été galopant. Donc il y a eu un patrimoine très détruit. (…) Je me souviens d’une conversation avec Christian Benilan, qui est le chef du service départemental des Architectes des Bâtiments de France, qui m’avait dit qu’il ne restait aujourd’hui que 5 à 6 % du patrimoine qu’il y avait encore au XIXe siècle ! »
[extrait d’entretien, Nicolas Rousseau, Société pour la Protection du Patrimoine et de l’Esthétique de France]

Les infrastructures

Les infrastructures, qu’elles soient routières ou ferroviaires, sont une autre composante essentielle repérée et mise en avant. Leurs effets sur le paysage et sa perception sont variés en fonction du type d’infrastructure, mais également car elles peuvent appeler des caractères à la fois très positifs et très négatifs dans les représentations des acteurs.

Parmi les infrastructures souvent mentionnées, les axes historiques laissent une empreinte importante dans le paysage altoséquanais, le reliant le plus souvent à la capitale. Christian Benilan (STAP 92) dénombre quatre axes historiques majeurs, liés aux anciens grands domaines, les quatre ayant été dessinés par Le Notre : l’axe des Tuileries, l’axe de Meudon, de Saint-Cloud et de Sceaux. En dehors de l’axe de Meudon, tous sont orientés est/ouest, et sont liés à la présence des châteaux.

François Losheider évoque la route départementale 920, ancienne nationale 20. Au travers de cet exemple il montre que les grands axes représentent des éléments essentiels du territoire, à deux titres : d’une part ils témoignent de l’Histoire (ce sont des axes historiques, ils passent à proximité des anciens bourgs), et d’autre part ils jouent le rôle de centralités.

«  Ces grandes avenues, ces grands axes, comme la RD 920, sont dans l’histoire du territoire. Ils sont en lien avec l’ensemble des bourgs anciens, situés en retrait, de part et d’autres. Il serait intéressant de conduire un travail sur ce qu’est cet axe et cette centralité dans le territoire. »
[extrait d’entretien, François Loscheider, Vallée scientifique de la Bièvre]

La route départementale 920 à Bourg-la-Reine, un axe de centralité au sein du territoire en grand format (nouvelle fenêtre)
La route départementale 920 à Bourg-la-Reine, un axe de centralité au sein du territoire


Sur le territoire de Grand Paris Seine Ouest, Karine Turro révèle l’enjeu de la requalification urbaine et paysagère de ces grands axes. Elle évoque le cas de la route départementale 910.

«  Pour ce qui est de Sèvres à Chaville, en termes de valorisation, c’est plutôt en centre-ville le long de cette voie royale qu’il y a matière à apporter des améliorations. Il y a beaucoup de collectifs des années 60, il y a vraiment matière à requalifier tout cet axe là sur le plan des paysages. »
[extrait d’entretien, Karine Turro, Grand Paris Seine Ouest]

Au-delà de ces voies routières souvent invoquées pour leur aspect structurant et historique, d’autres voies, ferrées comme routières, sont très souvent repérées comme des éléments, certes constitutifs du paysage urbain, mais le dévalorisant en lui attribuant des nuisances visuelles et paysagères. Ces infrastructures sont ainsi représentées comme des éléments qui, en s’imposant, empêchent au paysage (au sens positif souvent attribué à la notion) de s’exprimer, comme l’autoroute A13 ou les voies sur berges à Saint-Cloud.

« Un élément négatif dans le paysage de Saint-Cloud : l’autoroute A13 (…) C’est ce côté négatif sur lequel la ville souhaiterait travailler, c’est vraiment l’entrée de ville au niveau du pont de Saint-Cloud, avec l’autoroute A13 (…) si vous reprenez l’histoire de Saint-Cloud ici c’était un espace de rencontre qui a été complètement anéanti par la construction de l’autoroute. (…) La ville a été victime quelque part de cette infrastructure routière qui porte énormément préjudice à l’aspect paysager et patrimonial.
(…) Parmi les infrastructures routières qui posent problème, vous avez [ensuite] les quais de Seine. Selon moi la Seine est un espace remarquable à valoriser et au vu des axes routiers en bords de Seine, aujourd’hui ça n’est pas fait et c’est difficilement faisable. »
[extrait d’entretien, Nathalie Dimopoulos, Saint-Cloud]
L'emprise des infrastructures routières à Saint-Cloud en grand format (nouvelle fenêtre)
L’emprise des infrastructures routières à Saint-Cloud


Entre Asnières-sur-Seine et Gennevilliers, la route départementale 19 est identifiée comme étant une coupure nette entre les deux communes, dépossédant ainsi ce secteur d’une ambiance de « quartier de ville ». Cet enjeu fait l’objet de réflexions dans le cadre des projets affectant le secteur Voltaire.

«  Nous sommes en train de travailler sur la partie Voltaire, à la limite entre Gennevilliers et Asnières. Là nous avons un petit pôle multimodal avec une gare de bus en aérien, et puis la ligne 13 où on essaie aujourd’hui d’intégrer cette gare dans un bâti à venir. L’objectif est de créer cette continuité d’espaces verts et de redonner à ce quartier un côté quartier de ville, sans avoir cette coupure de la RD19 qui vient couper clairement la ville en deux… »
[extrait d’entretien, Pierre Chiffre, Asnières-sur-Seine]

La commune de Clichy est quant à elle perçue par François Geismar comme une « ville fermée » où les infrastructures de transport, qu’elles soient routières et ferroviaires contribuent au cloisonnement de la commune.

« Clichy est une ville fermée : par le périphérique qui laisse deux passages vers Paris (la porte de Clichy, la porte Pouchet) ; par les voies ferrées où on compte deux passages vers Levallois ; par la Seine et sa route départementale où il existe trois ponts pour aller à Asnières et Gennevilliers ; et un seul passage communique vers Saint-Ouen. Donc le soir il suffit de fermer 8 portes et on est dans une ville fermée ! »
[extrait d’entretien, François Geismar, Clichy]

Pourtant, certains acteurs, y associent également des attributs paysagers remarquables, en raison notamment des vues que ces infrastructures dégagent et de l’aération qu’elles permettent, du fait de leur emprise, au sein de tissus fortement urbanisés. Véronique Tirant revient sur les aspects très négatifs provoqués par ces infrastructures, en particulier dans la boucle nord du département, avant d’en souligner cependant les vertus paysagères.

«  Beaucoup d’interventions de renouvellement urbain résultent d’un besoin de "réparation" des dégâts urbains causés par les infrastructures de transports qui ont été tracés sans se préoccuper du territoire physique ou urbain dans lequel ils venaient s’insérer : je pense notamment à la ligne 13, à la RD19, aux voies sur berges qui sont extrêmement routières… Cela a entrainé à la fois beaucoup d’hétérogénéité dans la continuité des espaces publics et de perte de repère, il y a aussi des points assez positifs par rapport à ces infrastructures qu’on peut parfois percevoir : on a parfois des vues assez exceptionnelles avec des panoramas et des grandes ouvertures. Même si les paysages urbains sont extrêmement peu qualifiés, à l’inverse on a des vues vers le ciel. »
[extrait d’entretien, Véronique Tirant SEM92]
L'imposante emprise des infrastructures peut aussi permettre de dégager des horizons de paysages en grand format (nouvelle fenêtre)
L’imposante emprise des infrastructures peut aussi permettre de dégager des horizons de paysages


Corinne Legenne regrette le manque de réflexion d’ordre paysager concernant les infrastructures de transport, de sorte que certaines - à l’exception des tramways-, ne permettent pas de « regarder » le paysage qu’elles traversent, car elles se focalisent sur des objectifs de flux et de sécurité.

«  C’est difficile parce qu’on a une tendance à dire qu’une infrastructure c’est énorme et qu’il faut les cacher etc. Donc on les cache dans beaucoup de végétation, c’est le cas par exemple de l’A14. Et on en arrive à se demander pourquoi on ne pourrait pas voir au dessus [de cette végétation]. Quand on est sur le viaduc, moi je trouve qu’on ne voit pas bien la Seine. (…) Alors ces questions sont souvent liées aux problèmes de sécurité. Mais quand on a une vision large, on est en sécurité, et qu’est ce qui empêche de regarder un peu sur les côtés ? Au niveau du transport aujourd’hui on est de moins en moins en mesure de regarder, sans compter les murs antibruit qui ont bien sûr leur importance, mais qui contribuent à ce que nous soyons dans des tuyaux ! »
[extrait d’entretien, Corinne Legenne, IAU IdF]

Enfin, à une échelle plus réduite, les rues, sentes et villas font partie des éléments plus largement mis en avant pour leur caractère qualitatif. C’est par exemple le cas des grandes avenues ou des villas à Neuilly-sur-Seine, ou encore des « petites avenues » desservant les tissus pavillonnaires de Colombes.

«  [A Neuilly-sur-Seine] ces grandes avenues (…) sont un héritage du domaine royal qui a été loti et on a conservé les avenues qui sont les anciennes allées du domaine du roi Louis-Philippe. »
[extrait d’entretien, Lionel Favier, Neuilly Puteaux Seine Ecologie]
« On a un système de maillage de cette zone pavillonnaire par ce qu’on appelle ‘les petites avenues’, c’est le terme colombien. Ce sont des espèces de sentes, mais comme on est sur un terrain plat, ce ne sont pas des sentes mais plutôt l’équivalent de petites avenues qui font 2,5 à 3,5 mètres de large, qui sont parfois accessibles en voiture parfois pas. Elles constituent donc un maillage où on peut se promener facilement dans Colombes à pied avec ses enfants, les poussettes, etc… donc c’est très agréable et ça donne une vue sur les jardins. »
[extrait d’entretien, Patrick Chaimovitch, Maire adjoint à l’urbanisme et l’aménagement de Colombes]
Les "petites avenues" de Colombes, espaces qualitatifs au sein du paysage très minéral de la boucle nord en grand format (nouvelle fenêtre)
Les "petites avenues" de Colombes, espaces qualitatifs au sein du paysage très minéral de la boucle nord

Une avenue arborée de Neuilly-sur-Seine en grand format (nouvelle fenêtre)
Une avenue arborée de Neuilly-sur-Seine


La question des infrastructures est développée dans l’article Diversité et mosaïque urbaine

Le mode d’occupation des sols

Hérité de l’approche mono-fonctionnaliste, de nombreux territoires du département se distinguent très nettement entre eux du fait de leurs fonctions propres et des paysages qu’elles produisent. Bien que la partie sud du département, dans les versants de la Bièvre, soit perçue comme un territoire plus composite et disposant d’une maille fine de tissus et de fonctions, d’autres secteurs, en particulier au sein de la boucle nord du département, se caractérisent très nettement par les leurs larges emprises mono-fonctionnelles (principalement industrielles et résidentielles).

C’est ainsi qu’à Gennevilliers, Laurent Govehovitch livre une représentation tripartite du paysage de la commune : les zones d’activités, le port, les tissus résidentiels.

«  Nous avons tout d’abord un tissu industriel en renouvellement. Je trouve que c’est un paysage fort. (…) La zone d’activité est en mutation. Les entreprises étaient essentiellement des entreprises automobiles qui ont complètement disparu. C’est un paysage de friches en mutation. Il n’y a pas de terrains abandonnés. La ville a anticipé ces mutations industrielles depuis 30 ans car dès lors elle souhaitait conserver cette image de tissu industriel.
(…) Le port, c’est vraiment une identité forte et économique et paysagère, il y a beaucoup de points de vue sur ce paysage quand on arrive de l’A15 (le pont de Gennevilliers), quand on longe l’A86. (…) Le paysage du port (…) c’est le port à containers, qui est la partie la plus récente et qui s’est modernisée.
(…) Sur le secteur d’habitat, le paysage est très marqué par le tissu de grands ensembles. C’est vraiment une caractéristique forte avec deux grands secteurs : le quartier du Luth (…) et le quartier des Agnettes. »
[extrait d’entretien, Laurent Govehovitch, Gennevilliers]

D’autres motifs de définition du paysage


Au-delà des aspects très concrets et matériels développés précédemment pour définir le paysage des Hauts-de-Seine, certaines représentations ont également fait ressortir des regards plus prospectifs, sensoriels, et « altruistes » dans le rapport aux paysages.

La dynamique du territoire

Les territoires altoséquanais, au-delà de leur forte caractéristique urbaine, s’inscrivent également dans des paysages mouvants. Cette dimension, souvent énoncée au travers de termes tels que « changement », « renouvellement », « mutation », représente près de 6 % des réponses aux « 3 mots ». En effet, de nombreux aménagements, constructions, et autres évolutions s’opèrent sur le territoire départemental.

  • Il s’agit notamment du territoire urbain, et en particulier au sein des communes de la boucle Nord où cette dimension a été la plus souvent évoquée (totalisant 12 % des réponses, à égalité avec les termes associés à la « mixité » et à la « diversité »). Ainsi, à Nanterre - ville qui se distingue très nettement au sein du département pour cette caractéristique -, à l’occasion de la réponse aux « 3 mots », Marion Benoist-Mouton, Manuel Moussu et Aldrig Vallée ont évoqué des notions telles que « paysage en mouvement », « levier », « constante évolution ».
« Le paysage est en mouvement »
« Il y a des secteurs où on a l’impression d’une constante évolution. On ne peut pas dire la même chose, je pense, de toutes les villes du département. Par exemple Asnières, c’est toujours Asnières, mis à part certains endroits, la gare des Courtilles ou le passage du tramway. (…) A Nanterre il y a des projets partout et ce ne sont pas de petits changements. C’est sûr que si vous revenez dans dix ans, il y a des endroits que vous ne reconnaitrez pas du tout. »
[extrait d’entretien, Manuel Moussu, Aldrig Vallée, Nanterre]

A Nanterre, cette très forte dynamique urbaine, et donc paysagère, est pour grande partie associée aux mutations que connaissent les zones d’activités, ce que Manuel Moussu explique par les mutations économiques importantes auxquelles est aujourd’hui sujette notre société.

«  Ce sont les zones d’activités qui sont les plus mouvantes. Cela est dû au fait même que l’économie est aujourd’hui sur des mouvements de balancier de sorte qu’en moins de 20 ans, une zone industrielle peut devenir tertiaire. Aux Champs Pierreux il y a 30 ans vous aviez les usines Citroën, maintenant vous avez un quartier mixte logements et bureaux des années 90. »
[extrait d’entretien, Manuel Moussu, Nanterre]
  • Les évolutions affectent également certains espaces patrimoniaux, pour lesquels les associations peuvent exprimer un danger de disparition ou, en tout état de cause, de perte de qualité paysagère. C’est par exemple ce qu’illustre l’extrait d’entretien mené avec Bernard Garmirian lorsque, faisant office de réponse aux « 3 mots » il choisit ces termes :
«  Des villes encore vivables, plus pour longtemps »
[extrait d’entretien, Bernard Garmirian, Environnement 92]

Il ajoute, au sujet des espaces forestiers :

«  Parmi les objectifs d’Environnement 92 (…) il y a la sanctuarisation des espaces naturels, un objectif d’arrêter de les transformer en toile d’araignée : c’est-à-dire tout ce qui est en train de se passer actuellement avec les routes, les équipements, et tout ce qu’on cherche à mettre dans les espaces forestiers… »
[extrait d’entretien, Bernard Garmirian, Environnement 92]

Cependant, certains éléments de patrimoine, notamment bâti, perdurent et se maintiennent au travers des années.

«  Depuis 600 ans l’église, la cathédrale, la rue Maurice Thorez, le square, sont des traces qui sont restées. Certains disent que certaines voies remontent même avant les romains. Comme quoi certaines choses demeurent ! »
[extrait d’entretien, Manuel Moussu, Nanterre]

Le bruit

La perception sonore des lieux peut jouer un rôle dans la représentation des espaces et de leurs paysages. Très fortement corrélée à la question de la qualité de vie ou d’usage, cette dimension sensorielle, lorsqu’elle est évoquée, fait référence aux infrastructures, notamment routières et ferroviaires. Cela est notamment évoqué au sujet de Saint-Cloud, par Nathalie Dimopoulos et Olivier Waintraub, où l’appréhension du bruit peut fortement influencer les représentations paysagères.

«  Le paysage est une notion qui doit être abordée de manière complexe. Il y a [d’abord] le paysage qui est ce que l’on voit (…) et je pense qu’à cette notion devrait être attachée la notion de bruit… (…) Quant on pense à la Caserne Sully à Saint-Cloud, ce sont des espaces qui sont enclavés mais aussi où il y a des problèmes acoustiques qui sont extrêmement élevés. Quant on est là, les quais sont extrêmement passants, il y a le tram qui passe, il y a l’autoroute. Nous sommes sur des espaces qui sont extrêmement impactés au niveau du bruit (…) Ce sont des secteurs qui sont difficiles, où on a du mal à construire et à faire venir l’habitant. »
[extrait d’entretien, Olivier Waintraub, Nexity]

Dans l’extrait suivant, Nathalie Dimopoulos, explicite de manière très concrète l’effet du bruit sur la perception du paysage en comparant deux infrastructures ferroviaires de transport. Elle établit en effet une hiérarchie dans l’impact paysager des voies du Transilien d’une part et du tramway d’autre part. Cette hiérarchie est attribuée à la hauteur d’implantation des voies, à l’aménagement des coteaux les jouxtant, et enfin au bruit.

«  Je dirais que l’intégration du tram est beaucoup plus discrète dans le paysage que celle du Transilien (…) car pour le tram c’est à niveau, alors que pour le Transilien c’est en hauteur. (…) Il faut savoir que les coteaux du tram, aménagés en jardins familiaux ou non, sont considérés comme un Espace naturel sensible, (…) donc des aspects qui font que malgré tout c’est mieux aménagé… mieux intégré (…) C’est le côté bruit qui joue aussi. Le tram est beaucoup plus silencieux que le train. Voilà il y a beaucoup de choses qui font que le tram est mieux vécu au niveau paysager, il est mieux intégré que le train. »
[extrait d’entretien, Nathalie Dimopoulos, Saint-Cloud]

Les points de vue

Enfin, certains enquêtés ont soulevé une dimension essentielle de leur rapport au paysage. Ce dernier se doit d’être abordé depuis les deux points de vues qu’il offre : le point de vue donné depuis un lieu du département d’une part, et celui (ou ceux) depuis lesquels le département (ou tout élément architectural, urbain ou naturel du département), peut être perceptible depuis l’extérieur (la commune voisine, un autre département).

Cette dimension a été fortement prise en compte dans les territoires vallonnés du sud des Hauts-de-Seine, tel que l’évoque Lionel Favier, pour qui le paysage des Hauts-de-Seine nait de cette « imbrication » entre paysages naturels et paysages urbains.

«  Quand on est sur le sommet de la forêt de Fausses-Reposes et que l’on voit à certains endroits des vallonnements entièrement forestiers, on se croirait dans le centre de la France, on se croirait très loin de la ville. Ça c’est assez extraordinaire d’avoir à la fois une juxtaposition de la ville et de paysages naturels, et d’avoir à d’autres endroits une imbrication, que le paysage naisse de l’imbrication de la nature et des réalisations d’urbanisme. »
[extrait d’entretien, Lionel Favier, Neuilly Puteaux Seine Ecologie]

Cette qualité paysagère est considérée comme un attribut à préserver, notamment lors des futurs projets d’aménagement. Cela a notamment été révélé par Françoise Rodier à Châtenay-Malabry où les mutations importantes allant affecter l’École centrale et l’École de pharmacie auront pour pré-requis essentiel leur intégration paysagère, visant à ce que « rien ne dépasse ».

«  On travaille avec l’ABF parce qu’on est en site partiellement inscrit et classé. Françoise Weets attache beaucoup d’importance au paysage. (…) La dimension paysagère est très importante à Châtenay-Malabry et le maire souhaiterait, comme l’avait fait en son temps Bassompierre pour l’urbanisme de la cité-jardin [de la butte rouge], qu’on compose les constructions autour du paysage et pas l’inverse. »
[extrait d’entretien, Françoise Rodier, Châtenay-Malabry]
Vue vers les masses boisées de Châtenay-Malabry depuis l'esplanade du parc de Sceaux en grand format (nouvelle fenêtre)
Vue vers les masses boisées de Châtenay-Malabry depuis l’esplanade du parc de Sceaux


Cette dimension doit se lire en relation avec la question des continuités et des perspectives visuelles (développées plus haut). Elle est également rattachée à l’approche prospective impulsée par les projets d’aménagement urbain et de construction, et à une notion de « partage » du paysage, comme le soulignent Olivier Waintraub et Dominique Alba.

«  Le paysage, c’est aussi cette notion de cône de vue. C’est-à-dire ne pas voir le paysage uniquement comme une scène qu’on regarde de loin mais comme étant un paysage dans lequel on existe et à l’inverse se demander ce que l’on voit depuis ce paysage. Ce n’est pas qu’un paysage qu’on regarde, c’est aussi un paysage d’où on regarde. (…) Il faut penser qu’il y a un paysage et qu’il appartient à tout le monde : à la fois ceux qui le regardent et ceux qui y habitent. »
[extrait d’entretien, Olivier Waintraub, Nexity]
«  Dans les projets, l’enjeu d’un paysage partagé est posé. Comment le projet sera–t-il visible depuis les belvédères, qu’est-ce que le projet donne à voir de lui-même et de quelle manière ? Cela pose la question de la façon dont on regarde les Hauts-de-Seine, en particulier les bords de Seine avec les tours. Cet atlas pourrait être l’occasion (…) de s’interroger sur ce que l’on partage avec les autres »
[extrait d’entretien, Dominique Alba, directrice générale et Christiane Blancot, directrice d’études, APUR]

Une distinction récurrente entre nord et sud du département


Un nord et un sud ?

Un nord et un sud ?   en grand format (nouvelle fenêtre)
Un nord et un sud ?
Montage à partir de la carte des paysages

Les entretiens ayant porté sur l’ensemble du département ont quasi systématiquement fait état d’une très forte distinction entre deux parties du territoire. Parfois qualifiées de « nord » et de sud », ces ensembles concernent plus précisément respectivement, la boucle nord du département, et les territoires allant de Rueil-Malmaison à Sceaux (excluant les tissus limitrophes de Paris se trouvant sur les communes d’Issy-les-Moulineaux jusqu’à Bagneux).

Cette distinction, si ce n’est cette opposition, entre ces deux ensembles trouvent sa source principalement dans leur rapport aux espaces « naturels » ou boisés et aux espaces urbanisés, ainsi qu’à la topographie très marquée pour l’un, et très plate pour l’autre.

«  Vous avez deux Hauts-de-Seine différents : le Sud et puis la boucle. (…) Par rapport à son identité, il y a donc une différenciation, une désarticulation du département. »
[extrait d’entretien, Bernard Garmirian, Environnement 92]
« Je sens une très forte différence, c’est certain, entre la partie Nord et Sud. (…) Dans la partie sud, il y a un relief, il y a une forte présence d’espaces verts, il y a beaucoup d’espaces résidentiels assez qualifiés. Au nord c’est un territoire de plaine alluviale encore marqué par son activité industrielle qui impulse par ailleurs des dynamiques de renouvellement plus importantes »
[extrait d’entretien, Véronique Tirant, SEM92]
«  Il y a un retard sur le nord du département qui est effroyable… même s’il y a le parc départemental. »
[extrait d’entretien, Patrick Chaimovitch, Maire adjoint à l’urbanisme et à l’aménagement de Colombes]
«  Les Hauts-de-Seine sont un paysage de contraste, tant par le relief qu’avec ses plaines, (…) et ces boucles qui viennent dessiner des coteaux très abrupts et des plaines très plates. Il y a également des contrastes urbains, avec des jaillissements de tours comme à la Défense, des villes très denses comme Boulogne et des villes plus champêtres, plus relâchées, comme on le trouve dans les hauts de Meudon. Donc finalement il y a un mot qui réunit tout ça : c’est le contraste, contraste des reliefs et contraste des urbanismes. »
[extrait d’entretien, Sophie Schmitt, Sodearif]

Si certaines parties du département bénéficient indéniablement de davantage d’espaces verts que d’autres, les communes du nord peuvent disposer de motifs « compensant » cette inégalité. Cependant plutôt que d’être des espaces ouverts et publics, il s’agit de tissus pavillonnaires privés -qualifiés de « bijou » comme à Asnières-sur-Seine, ou encore de « poumon vert » à Colombes - et qui, grâce à leurs jardins et aux voies de type sentes les desservant, apportent à certaines populations (principalement celles y résidant) des espaces considérés comme moins urbains et plus verts que sur d’autres types de tissus. L’exemple d’Asnières-sur-Seine :

«  La ville dispose d’assez peu d’espaces verts. Nous n’avons pas un ratio d’espace vert par habitant très important. Mais ce manque est atténué par le fait que les jardins privés donnent une impression de verdissement et un cadre assez pittoresque, un patrimoine bâti, de jolies maisons, des villas bourgeoises du XIXe et du début XXe, un tissu pavillonnaire faubourien mais assez joliment restauré. »
[extrait d’entretien, Hélène Streiff, Asnières-sur-Seine]
Tissu pavillonnaire asniérois en grand format (nouvelle fenêtre)
Tissu pavillonnaire asniérois

Villa asniéroise datant de la fin XIXeme, début du XXeme siècle en grand format (nouvelle fenêtre)
Villa asniéroise datant de la fin XIXeme, début du XXeme siècle


Derrière cette distinction nord/sud se cache un enjeu majeur : celui de la nature en ville, évoqué lors de l’entretien mené avec Adélaïde Bardon, et à celui de la demande sociale en espace vert soulevée par Aldrig Vallée.

«  Nous travaillons [à l’IAU IdF] (…) sur la nature dans la ville et sur la trame verte, les deux se recoupant. Cette question se pose surtout dans les espaces denses, qui sont les endroits où cette question est la plus importante. Pour pouvoir vivre dans des lieux si denses il faut pouvoir avoir des espaces de respiration. Ca peut être un espoir par rapport aux projets : se dire que oui ça va se densifier mais qu’il y aura des espaces de nature, quelque soient leurs formes. »
[extrait d’entretien, Adélaïde Bardon, IAU IdF]
«  Il y a la question de la demande en espace vert. (…) Dans le département on a une disparité importante d’une commune à l’autre. (…) On arrive dans ce qu’on appelle la demande sociale en espace vert. (…) Est ce qu’un enjeu ne serait pas de rééquilibrer et de créer de nouveaux paysages ou de développer des paysages, au sens d’espaces verts, là où justement on sait qu’on en manque cruellement ? (…) Est ce que dans 50 ou 100 ans le paysage des Hauts-de-Seine sera aussi urbain ? »
[extrait d’entretien, Aldrig Vallée, Nanterre]

Quatre ensembles de territoires paysagers

En affinant davantage, et au-delà de cette distinction bipolaire du département, quatre types de paysages semblent en fait se dégager des représentations des enquêtés. Il s’agit :

- Des tissus limitrophes de la capitale et se caractérisant par leur densité, leur minéralité, et leurs caractéristiques urbaines et architecturales semblables à celles de Paris. Nicolas Deverre et Jean-Baptiste le Corre évoquent à ce titre l’exemple marquant de la commune de Boulogne Billancourt.

«  Boulogne est vraiment le prolongement de Paris, avec ses 110.000 habitants, on est dans la même logique.
(…) On y trouve des grands boulevards, pas mal de bâti de type haussmannien. C’est vrai que quand on passe du 16ème arrondissement de Paris à Boulogne, on ne voit pas la différence ! »
[extrait d’entretien, Nicolas Deverre, Jean-Baptiste Le Corre, Grand Paris Seine Ouest]

En réponse à la question des « 3 mots », les acteurs intervenant sur ces territoires proches de Paris leur ont principalement associé les termes de « densité », d’« urbanité », d’« infrastructures » et de « coupures ».

  • De la boucle Nord, dont on a précédemment vu qu’elle se caractérise notamment par des tissus très marqués et disparates. C’est un paysage également fortement affecté par les infrastructures, et où le rapport au grand paysage ou à la Seine, bien que possible, n’est pas évident et non valorisé à hauteur des opportunités offertes par le site. Parmi les termes les plus souvent évoqués pour qualifier ce territoire, nous pouvons retenir ceux relatifs à sa « mutation » et à son « renouvellement », sa « mixité » d’occupation des sols, mais aussi ses « contrastes », la présence d’un « patrimoine bâti » ou de « ville jardin », et enfin la « Seine » et la « Défense ».
  • Des parties occupées par les forêts, boisements, parcs et autres larges espaces verts de loisirs. Parmi les communes rentrant dans cette catégorie, différentes sont citées : Saint-Cloud, Meudon, Vaucresson, Marnes-la-Coquette ou encore Châtenay-Malabry. En effet le terme le plus souvent évoqué comme étant représentatif de ce territoire (pour près de 40 % des réponses aux « 3 mots ») est « espace vert » ou « environnement naturel » ainsi que le caractère exceptionnel et privilégié qui y est associé.
  • Enfin des territoires plus composites, se développant au sein du périmètre de la Vallée scientifique de la Bièvre et pour lesquels après les termes relatifs à « l’urbanité » de cet ensemble, ce sont ceux de « mixité », de « diversité » mais également de « perspectives » et de « grand paysage » qui sont évoquées.
    Parmi ces territoires, le paysage urbain de la commune de Montrouge se lit en continuité avec celui de la capitale.
« Nous considérons que nous sommes un prolongement de Paris. Autrefois Montrouge allait jusqu’à Denfert Rochereau, et donc le bâti et la densité de Montrouge sont très comparables à celui ou à celle d’un arrondissement de Paris. »
[extrait d’entretien, Jean Loup Metton, Maire de Montrouge]

Ainsi les termes faisant référence au grand paysage furent davantage évoqués au sujet des territoires situés plus au sud, et notamment à partir de Bagneux.

Au sein même de ces ensembles de paysage, certaines disparités et de subtils contrastes s’observent cependant. Ceux-ci sont détaillés dans les portraits des unités de paysages.

Accéder au découpage des unités paysagères


[1Gennevilliers, Asnières-sur-Seine, Colombes, Nanterre, Rueil-Malmaison, Clichy, Saint-Cloud, Vaucresson, Le Plessis-Robinson, Châtenay-Malabry, Montrouge, Bagneux

[2Lors des entretiens, les acteurs rencontrés ont répondu à la question suivante, visant à synthétiser leur pensée et à révéler les éléments paysagers prédominants dans leur représentation : « Si vous deviez résumer les caractéristiques paysagères évoquées précédemment, en 3 mots, lesquels seraient-ils ? »


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