L’espace public

publié le 3 juillet 2013 (modifié le 8 juillet 2015)

La notion d’espace public rassemble les lieux vécus à l’extérieur : les voiries, les places publiques, les transports en commun, les parcs et jardins publics. Dans leur ensemble, ces espaces accompagnent l’appréhension sensible du territoire par leurs habitants, ce qui les inscrit au cœur d’une approche paysagère.


L’espace public est en ville le point de vue principal depuis lequel se forge la perception des territoires. Lors des déplacements notamment, c’est de là que sont perçus les espaces et appréciées leurs éventuelles qualités paysagères.
La forme de l’espace public traduit :

  • les intentions de composition de l’urbanisme (le vide est structurant, constituant le canevas sur lequel le bâti vient s’ordonnancer et produire un paysage spécifique),
  • la volonté plus ou moins nette de tirer parti d’un site ou d’offrir un espace accueillant, autant visuellement que dans ses fonctions.

Alors que certains espaces publics ne sont que la résultante d’une approche fonctionnelle de l’aménagement (flux, desserte, rez-de-chaussée techniques aveugles…), d’autres au contraire apparaissent comme une structure centrale de la composition de l’espace urbain, autour de laquelle s’ordonnent les éléments bâtis pour former un tout. Ils peuvent donner aux territoires, par leur structure et par leurs traitements, une personnalité, une identité particulière, tout en permettant les fonctions de déplacement et celles de la vie collective. Leur traitement traduit le soin apporté par la collectivité à son espace partagé, et au confort de vie des habitants.

La Butte Rouge, Chatenay-Malabry  en grand format (nouvelle fenêtre)
La Butte Rouge, Chatenay-Malabry
La conception des espaces publics n’est pas dissociée de celle du bâti, produisant un paysage complet, qui vient par ailleurs théâtraliser le site naturel de vallon.
Un signe de réussite : la vie collective à l’ombre des arbres, en été…

Les marches de l'Arche à La Défense, un jour de travail, en été, pendant la pause du midi   en grand format (nouvelle fenêtre)
Les marches de l’Arche à La Défense, un jour de travail, en été, pendant la pause du midi
Les marches s’inscrivent dans un espace public majeur : l’esplanade. Elles offrent un endroit pour s’installer aux nombreux travailleurs du site, auxquels s’associent les visiteurs et les touristes.

Un espace public fonctionnel à Clamart  en grand format (nouvelle fenêtre)
Un espace public fonctionnel à Clamart

Sur la photo ci-dessus, le stationnement semble le seul programme de l’espace. Même les arbres paraissent obéir à une fonction, celle d’écran anti-vis-à-vis, accompagnant l’architecture rationnelle de la reconstruction au détriment de toute poésie.

Une avenue de Châtenay-Malabry  en grand format (nouvelle fenêtre)
Une avenue de Châtenay-Malabry

A Châtenay-Malabry, le traitement de l’espace fait appel aux arbres d’alignement. Leur présence vient superbement qualifier l’espace, et apporte de l’unité à un axe dont les façades se succèdent parfois sans grande unité.

Gare du RER à La Défense   en grand format (nouvelle fenêtre)
Gare du RER à La Défense
Dans le contexte urbain, les gares et les centres commerciaux sont une composante de l’espace public, même lorsqu’ils sont en souterrain. Dans ce cas, les circulations verticales sont particulièrement sensibles, assurant les continuités avec la surface.

Un enjeu majeur des paysages urbains

La qualité du paysage urbain repose en très grande partie sur les espaces publics, tant les voiries et les places que les espaces verts. L’importance s’en fait sentir aux deux échelles :

  • de la composition urbaine, avec le rôle des tracés de voirie, de la position dans les reliefs, des polarités ;
  • des traitements, sur lesquels reposent la prise en compte des fonctions et des aménités, mais surtout l’ambiance ressentie.
Les terrasses, Nanterre  en grand format (nouvelle fenêtre)
Les terrasses, Nanterre
L’espace public est la pièce maîtresse de la matière urbaine. Ici, c’est l’axe qui structure l’organisation du bâti, et concentre les usages (déplacements, restaurants…), dans une ambiance qui combine les notions de rue et de jardin.


Les tracés
Les qualités paysagères d’une composition urbaine vont reposer sur la lisibilité des espaces, leur ancrage au site, la fluidité de leur inscription dans un contexte plus large, et sont apportées par l’organisation des rues. Ces valeurs sont symbolisées par l’axe des Tuileries, (traité dans un article consacré aux jardins), mais d’autres perspectives et compositions marquantes structurent aussi le territoire. Les cités-jardins sont ainsi de bons exemples, dans lesquels l’espace public et sa composition offrent une vision et des usages organisés et structurés.

Dans de nombreux autres cas cependant, l’espace manque de lisibilité et de continuité, et contribue à une perception confuse.

L’urbanisation ininterrompue ne facilite pas le repérage. Dans ce contexte, l’identification des localités se fait davantage par la reconnaissance des centres de vie que par la lisibilité de leurs limites (il n’y a pas d’entrée de ville lorsqu’on se trouve toujours en ville). L’espace public doit donner forme à ces espaces où se concentrent les usages, la vie collective, et les bâtiments publics.

La continuité de l’espace public est une valeur de paysage, offrant une compensation aux effets de coupure et de morcellement dont le territoire est souvent victime, du fait des infrastructures et des zonages. Dans les opérations de renouvellement urbain, il est ainsi recherché un meilleur maillage des rues, visant à désenclaver les quartiers isolé.

Cité-jardin du Plessis-Robinson  en grand format (nouvelle fenêtre)
Cité-jardin du Plessis-Robinson
L’organisation de l’espace public combine un réseau de rues clairement composé, et des cœurs d’îlots accessibles, qualifiés par les jardins potagers.
Vue d’une sente donnant accès au cœur d’îlot.

La structure étoilée de Boulogne   en grand format (nouvelle fenêtre)
La structure étoilée de Boulogne
L’espace public est organisé par un plan viaire lui-même lié au site. Les axes des ponts sur la Seine se rejoignent au centre de la ville, place Marcel Sembat.

Gennevilliers, cité du Luth, vue ancienne en grand format (nouvelle fenêtre)
Gennevilliers, cité du Luth, vue ancienne
Photo aérienne récente après restructuration  en grand format (nouvelle fenêtre)
Photo aérienne récente après restructuration


D’importants travaux ont eu pour objectif de recomposer l’espace public : le maillage et la continuité de l’espace sont repensés. Dans la composition initiale, les grandes barres définissaient de longs canyons, sans perspective, sans articulation au réseau viaire voisin, et isolés les uns des autres, renforçant les effets d’isolement du grand ensemble.


Le remodelage permet de mieux articuler le quartier à son contexte et d’atténuer les effets d’isolement dus aux corridors.

Place du marché à Gennevilliers  en grand format (nouvelle fenêtre)
Place du marché à Gennevilliers
Les usages collectifs, les contacts, les échanges, sont constitutifs de l’espace et notamment des centralités. Celles-ci sont d’autant plus réussies qu’elles ne viennent pas renforcer les effets de morcellement des tissus, mais s’adressent à une large collectivité.


Traitements

Par leurs traitements, les espaces publics contribuent à mettre en place des ambiances, à exprimer des qualités d’usages, un attachement aux lieux. Souvent inspirés par l’art des jardins, cherchant à faire plus de place aux déplacements des piétons et des vélos, évinçant les stationnements, les traitements de l’espace évoluent beaucoup dans le sens de la qualification paysagère. Le développement des lignes de tramway contribue à susciter des programmes d’aménagement et de renouvellement, qui recomposent le visage des quartiers.

Boulogne, quartier du trapèze en grand format (nouvelle fenêtre)
Boulogne, quartier du trapèze

Sur la photo de gauche, à l’entrée d’un quartier entièrement renouvelé, le traitement de l’espace public accompagne et souligne la volonté de créer un nouveau paysage, dont les références sont à chercher à la fois du côté des quartiers haussmanniens, et des stations balnéaires des années 1900. La présence des palmiers manifeste ce « paysage de référence », tandis que juste à côté, les chênes expriment la nature même des lieux, et la proximité de la forêt.

Le Plessis-Robinson en grand format (nouvelle fenêtre)
Le Plessis-Robinson

A droite, les traitements permettent, avec la piste cyclable, d’intégrer une évolution des usages.. Tout est refait à l’occasion. Les tilleuls, les pavés, les candélabres concourent à énoncer une ambiance qui compte, autant que l’architecture, à formuler la personnalité du quartier.






Sceaux. Une rue entièrement rénovée  en grand format (nouvelle fenêtre)
Sceaux. Une rue entièrement rénovée

Sur la photo de gauche, les traitements permettent, avec la piste cyclable, d’intégrer une évolution des usages.. Tout est refait à l’occasion. Les tilleuls, les pavés, les candélabres concourent à énoncer une ambiance qui compte, autant que l’architecture, à formuler la personnalité du quartier.






Ci-dessous, si le tramway renouvelle les usages de déplacement, il joue aussi un rôle très important dans l’espace public. Il relie entre eux des quartiers que leurs formes urbaines pouvaient tendre à morceler, et il apporte un renouvellement de l’espace public. Le « tapis vert » transfigure l’axe en un paysage qui, tout en restant urbain, trouve dans le recours au vocabulaire des jardins une nouvelle douceur.

Bois-Colombes, ligne de tramway en chantier en grand format (nouvelle fenêtre)
Bois-Colombes, ligne de tramway en chantier

Le sol et le ciel : ressentir les lieux

L’espace public, en tant que « vide », peut apporter aux paysages urbains des horizons qui vont au-delà des formes construites. On y trouve :

  • l’expression des reliefs, des pentes, souvent valorisée par la végétation, ou par les orientations des trames et du bâti, elles-mêmes souvent en lien avec les traces anciennes du parcellaire ;
  • la jouissance des positions paysagères liées aux composantes naturelles que sont les reliefs, la Seine, les forêts : berges, lisières, belvédères…
  • la lisibilité des horizons, qu’ils soient naturels (reliefs, Seine) ou urbains (immeubles repères), dans les perspectives et vues lointaines ;
  • l’expression de la continuité du territoire, notamment par les effets d’ouverture et de perspective.

Par l’expressivité du sol et de l’horizon, les tissus parfois banals en termes d’architecture et de forme urbaine, peuvent se distinguer et offrir un ancrage, une personnalisation unique, et se différencier du continuum urbain.

Ainsi, une perspective est à aborder comme une « visée », et la ligne droite peut être considérée comme une manière d’ouvrir sur l’horizon en accueillant la lumière. La leçon des perspectives d’André Le Nôtre, si présentes dans le territoire des Hauts-de-Seine, est bien cette quête du sol et du ciel. Ces perspectives sont permises par la scénographie du percement, outil majeur de composition des jardins boisés, dont la formule s’applique aisément aux voies urbaines.

Avenue Jacqueminot, Meudon  en grand format (nouvelle fenêtre)
Avenue Jacqueminot, Meudon

La rue droite, cadrée par les tilleuls taillés en rideaux, organise un double cadrage paysager. Dans le ciel de la rue, se dessine l’horizon « métropolitain » symbolisé par l’antenne (architecte Claude Vasconi) qui domine le coteau de Romainville, de l’autre côté de Paris que l’on reconnaît dans le creux. Au sol, le cadrage révèle le relief escarpé du coteau que la rue dévale.



Clamart, rue Emilienne en grand format (nouvelle fenêtre)
Clamart, rue Emilienne














La rue pavillonnaire serait un paysage « banal », peu identifiable, sans les deux perspectives ouvertes par la voie : au nord (photo de gauche), vers Paris, au sud vers la lisière du bois. La pente en « glacis » est également perceptible, renforcée par la vue légèrement dominante sur Paris.

Parc de Saint-Cloud  en grand format (nouvelle fenêtre)
Parc de Saint-Cloud
Avenue de Verdun, Châtillon en grand format (nouvelle fenêtre)
Avenue de Verdun, Châtillon












Que ce soit dans le parc de Saint-Cloud, ou sur l’avenue de Verdun à Châtillon, l’effet de la perspective est comparable quand elle révèle le relief, et donc le site. L’espace ouvert, le percement, vont « quêter » l’horizon, et manifestent la pente.
A Châtillon, on remarque que la symétrie et l’ordonnancement rectiligne ont été atténués par l’aménagement de l’avenue, ce qui tend à affaiblir l’effet de percée cadrée vers l’horizon.