L’espace public
Lieu des usages et des perceptions, structurant les organisations spatiales, l’espace public est un fondement essentiel des paysages urbains.
L’espace public est en ville le point de vue principal depuis lequel se forge la perception des territoires. Lors des déplacements notamment, c’est de là que sont perçus les espaces et appréciées leurs éventuelles qualités paysagères.
La forme de l’espace public traduit :
- les intentions de composition de l’urbanisme (le vide est structurant, constituant le canevas sur lequel le bâti vient s’ordonnancer et produire un paysage spécifique),
- la volonté plus ou moins nette de tirer parti d’un site ou d’offrir un espace accueillant, autant visuellement que dans ses fonctions.
Alors que certains espaces publics ne sont que la résultante d’une approche fonctionnelle de l’aménagement (flux, desserte, rez-de-chaussée techniques aveugles…), d’autres au contraire apparaissent comme une structure centrale de la composition de l’espace urbain, autour de laquelle s’ordonnent les éléments bâtis pour former un tout. Ils peuvent donner aux territoires, par leur structure et par leurs traitements, une personnalité, une identité particulière, tout en permettant les fonctions de déplacement et celles de la vie collective. Leur traitement traduit le soin apporté par la collectivité à son espace partagé, et au confort de vie des habitants.
Un enjeu majeur des paysages urbains
La qualité du paysage urbain repose en très grande partie sur les espaces publics, tant les voiries et les places que les espaces verts. L’importance s’en fait sentir aux deux échelles :
- de la composition urbaine, avec le rôle des tracés de voirie, de la position dans les reliefs, des polarités ;
- des traitements, sur lesquels reposent la prise en compte des fonctions et des aménités, mais surtout l’ambiance ressentie.
Dans de nombreux autres cas cependant, l’espace manque de lisibilité et de continuité, et contribue à une perception confuse.
L’urbanisation ininterrompue ne facilite pas le repérage. Dans ce contexte, l’identification des localités se fait davantage par la reconnaissance des centres de vie que par la lisibilité de leurs limites (il n’y a pas d’entrée de ville lorsqu’on se trouve toujours en ville). L’espace public doit donner forme à ces espaces où se concentrent les usages, la vie collective, et les bâtiments publics.
La continuité de l’espace public est une valeur de paysage, offrant une compensation aux effets de coupure et de morcellement dont le territoire est souvent victime, du fait des infrastructures et des zonages. Dans les opérations de renouvellement urbain, il est ainsi recherché un meilleur maillage des rues, visant à désenclaver les quartiers isolé.
Par leurs traitements, les espaces publics contribuent à mettre en place des ambiances, à exprimer des qualités d’usages, un attachement aux lieux. Souvent inspirés par l’art des jardins, cherchant à faire plus de place aux déplacements des piétons et des vélos, évinçant les stationnements, les traitements de l’espace évoluent beaucoup dans le sens de la qualification paysagère. Le développement des lignes de tramway contribue à susciter des programmes d’aménagement et de renouvellement, qui recomposent le visage des quartiers.
Le sol et le ciel : ressentir les lieux
L’espace public, en tant que « vide », peut apporter aux paysages urbains des horizons qui vont au-delà des formes construites. On y trouve :
- l’expression des reliefs, des pentes, souvent valorisée par la végétation, ou par les orientations des trames et du bâti, elles-mêmes souvent en lien avec les traces anciennes du parcellaire ;
- la jouissance des positions paysagères liées aux composantes naturelles que sont les reliefs, la Seine, les forêts : berges, lisières, belvédères…
- la lisibilité des horizons, qu’ils soient naturels (reliefs, Seine) ou urbains (immeubles repères), dans les perspectives et vues lointaines ;
- l’expression de la continuité du territoire, notamment par les effets d’ouverture et de perspective.
Par l’expressivité du sol et de l’horizon, les tissus parfois banals en termes d’architecture et de forme urbaine, peuvent se distinguer et offrir un ancrage, une personnalisation unique, et se différencier du continuum urbain.
Ainsi, une perspective est à aborder comme une « visée », et la ligne droite peut être considérée comme une manière d’ouvrir sur l’horizon en accueillant la lumière. La leçon des perspectives d’André Le Nôtre, si présentes dans le territoire des Hauts-de-Seine, est bien cette quête du sol et du ciel. Ces perspectives sont permises par la scénographie du percement, outil majeur de composition des jardins boisés, dont la formule s’applique aisément aux voies urbaines.