Identité et paysage, une relation ambigüe

publié le 13 juin 2014 (modifié le 8 juillet 2015)

Le thème de l’identité a souvent été abordé lors des entretiens menés avec les acteurs du département des Hauts-de-Seine dans le cadre de l’Atlas des paysages et des projets urbains. L’identité locale ou territoriale est-elle liée et trouve-t-elle son fondement dans le paysage ? Est-ce l’inverse ? L’un joue-t-il sur l’autre ? La recherche de telle ou telle identité influence-t-elle le paysage ? A quelles échelles se manifeste-t-il un sentiment identitaire (quartier, commune, métropole…) ? En quels termes les acteurs rencontrés définissent-ils l’identité du lieu qu’ils représentaient ?


La diversité des paysages altoséquanais correspond-elle à la diversité des identités que se représentent les acteurs du territoire ? Pourquoi dans un département de petite couronne majoritairement urbain, peut-on se représenter des identités à la fois de « métropole », de « banlieue », mais aussi de « petite ville », de « village », de « petit bourg de campagne », de « province », etc. ?

L’identité se définit comme le caractère permanent et fondamental de quelqu’un, d’un groupe, qui fait son individualité, sa singularité [1]. Elle est faite de données qui déterminent chacun et qui permettent de le différencier des autres.

A la lumière de ces éléments de définition, on peut s’interroger sur ce qu’est l’identité locale. L’identité d’un lieu, d’une ville peut se définir comme l’intégration d’un individu dans un environnement ou un contexte local. En effet, la structure administrative (l’entité à l’échelle de laquelle on élit des représentants) construit de l’identité. Elle est donc directement connectée à la participation politique et démocratique [2]. Elle fait de l’individu un citoyen. C’est en cela que la notion d’identité relève d’enjeux forts. Les communes, les lieux où l’on vit constituent des niveaux de représentation importants pour les populations et les acteurs locaux.

Quartier, commune, métropole, axes… Quelles échelles d’identification ?

L’enjeu d’identification passe par une volonté d’appartenance à un lieu, la possibilité de se l’approprier et de se le représenter. Dans ce cadre, le quartier constitue une échelle réduite qui paraît donc plus appropriable et identifiable. C’est certainement ce qui motive certaines collectivités rencontrées à valoriser l’existence de quartiers au sein de leur ville, chaque quartier se différenciant des autres, en produisant ainsi une identité, comme un repère. C’est par exemple le cas à Rueil-Malmaison et à Montrouge.

A Rueil-Malmaison, l’unité des villages trouve son origine dans des raisons relatives à la concertation avec la population (conseils de quartier) et à des unités démographiques équivalentes (environ 7 000 habitants) [3]. Se greffe une identité pour chacun de ces villages : parfois préexistante et forte comme pour les quartiers du Buzenval ou du centre-ville, elle a dû au contraire être créée pour d’autres comme Rueil-sur-Seine – ancien Rueil 2000 –.

« Le maire [de Rueil-Malmaison] a voulu depuis un certain nombre d’années créer de la concertation de quartiers. A ce jour il existe 12 “villages” environ 7000 habitants (…) qui ont petit à petit essayé de trouver des identités. Dans chacune de ces unités nous avons essayé de créer un lieu de centralité.  »
[Extrait d’entretien, Monique Bouteille, maire-adjointe à l’Aménagement et au développement urbain de Rueil-Malmaison]
Source : mairie-rueilmalmaison.fr  en grand format (nouvelle fenêtre)
Source : mairie-rueilmalmaison.fr
Les quartiers de Rueil-Malmaison : échelle de représentation et d’intervention


Au-delà du fondement démographique et politique de leur constitution, ces quartiers forment des entités également par leur paysage (exemples des quartiers « Bords de Seine », « Mont-Valérien », « Buzenval » correspondant au centre ancien, « Mazurières » correspondant à un quartier composés de grands ensembles, etc.). Ces quartiers et leurs identités peuvent ainsi faire l’objet de représentation et de valorisation plus ou moins importante. Ils deviennent également des « unités » opérationnelles, comme le quartier des Mazurières qui fait l’objet d’intervention ANRU, et des unités au sein desquelles il est possible d’intervenir pour en créer et/ou modifier l’image comme c’est le cas des quartiers « Rueil sur Seine » et « Mazurières ».

« Le village de « Buzenval » est très fortement marqué avec son petit cœur de village qui vient d’être réhabilité (…). Ce quartier a une histoire en lien avec le château de Buzenval, la bataille de Buzenval, etc. C’est donc tout naturellement qu’il s’y est constitué un point d’ancrage très fort. Il y a aussi bien sûr le village du centre ville, (…) celui du plateau « Mont Valérien » (…). Le quartier « Rueil-sur-Seine », qui est l’ancien « Rueil 2000 », a lui dû trouver une identité dans la mesure où il s’agissait d’un secteur nouveau, avec une population plus jeune, plus dynamique (…). Donc il a fallu leur créer une image (…). Il y a également toute une identité qui est le quartier « Bords de Seine » (…) qui naturellement n’a pas du tout les mêmes problématiques que ceux qui se trouvent sur les pentes raides du Mont-Valérien ou autres. (…) Un autre quartier qui lui est très étendu, [le quartier Jonchère Malmaison Saint Cucufa] est très lâche au niveau de la constitution des constructions, puisqu’il s’agit de grandes parcelles autour du cœur du Parc naturel urbain. (…)
Enfin, le quartier des Mazurières, qui était un quartier composé de résidences populaires (la Fouilleuse, le Clos des Terres Rouges) et pour lequel il y a eu une mobilisation très forte du maire pour y créer une zone ANRU en vue de lui donner une taille plus humaine. (…) Il s’agit d’un quartier avec une très forte densité et une résidence fermée sur elle-même. C’est pourquoi il a été entrepris, dans le cadre d’une opération ANRU, une démolition de certaines parties, une requalification de cette résidence, une restitution du parc qui se trouvait au cœur même de la résidence pour qu’il soit ouvert à la population locale et environnante pour qu’il y ait une grande mixité, un renforcement de l’activité économique et commerciale et donc un lien de centralité important sur ce secteur. (…) Nous en sommes aujourd’hui à la réalisation du parc, mais d’ores et déjà la mixité est réelle, l’ouverture, la qualité de vie, la requalification ont été exemplaires. (…) Et on s’aperçoit aujourd’hui ce n’est plus du tout la même étiquette ou image pour ceux qui y habitent et qui y sont heureux.  »
[Extrait d’entretien, Monique Bouteille, maire-adjointe à l’Aménagement et au développement urbain de Rueil-Malmaison]

La commune de Montrouge fait également l’objet d’une division par quartiers, qui forment selon Jean-Loup Metton, maire de la commune, l’échelle de vie des villes. Le découpage qui a donné naissance à six quartiers [4] a été effectué selon une logique géographique et mathématique se basant sur l’échelle du déplacement piéton, c’est-à-dire sur la distance au-delà de laquelle le citadin utiliserait sa voiture.
Les quartiers doivent disposer d’équipements et de lieux fédérateurs. Ils deviennent en ceci des unités opérationnelles au sein desquelles doivent être réalisés, lorsqu’ils n’existent pas déjà, des lieux de convivialité et de rencontre (dont une place publique), répondant ainsi à l’enjeu d’une lutte « contre l’anonymat des villes ».

« Notre philosophie est qu’une ville vit si elle a des espaces de rencontre que l’on fait vivre à travers des manifestations festives, des endroits où les gens convergent pour participer à des événements joyeux.
Nous avons divisé Montrouge en six quartiers pour des raisons d’échelle de déplacement à pied : aujourd’hui un piéton fait 600 à 700 m à pied, au-delà il aura tendance à prendre sa voiture. Montrouge faisant 2 km², 1.414 km fois x 1.414 km, la racine carrée de 2, la commune a été divisée en six quartiers. Chaque quartier doit réunir tous les équipements dont une place [qui sert de lieu de rencontre]. Nous avons en effet créé des associations de quartier dont l’objet est d’organiser des manifestations pour que les gens se rencontrent, et pour lutter contre l’anonymat des villes : les vide-greniers, le loto, la fête de la musique, etc. Il faut des places. (…)
La place Emile Cresp [par exemple] (…) est un projet qui a 70 ans et qui va aboutir à la fin de l’année [2013]. (…) Vous sortirez du métro, vous irez à un concert et puis vous irez sur la place pour passer un moment avec vos amis en prenant un café… Ca c’est toute la philosophie. »
[Extrait d’entretien, Jean Loup Metton, maire de Montrouge]

Bien que l’on puisse parfois s’interroger sur l’identité paysagère des quartiers (leur fondement réside plutôt dans des raisons démographiques, mathématiques, démocratiques, etc.), il est un quartier disposant de caractéristiques paysagères fortes faisant l’unanimité : le centre ancien. Il apparaît comme une figure identitaire dont la préservation est affichée comme un enjeu quasi systématique. C’est par exemple le cas à Nanterre, commune qui connait par ailleurs d’importantes mutations urbaines – en particulier sur ses quartiers de grands ensembles – mais qui souhaite préserver la « trace des lieux » et le patrimoine historique par la valorisation de son centre ancien.

« Un des grands objectifs du projet de ville est de ne pas fragiliser le centre ancien par la politique de reconquête des cités et leurs abords. Notre politique porte donc sur la valorisation du centre ancien et de son patrimoine bâti, afin d’éradiquer l’habitat insalubre d’une part, de valoriser ses commerces et équipements, mais aussi de donner à voir et de mettre en scène ce centre ancien au sein des Hauts-de-Seine (…)
Nanterre est confrontée à une telle pression immobilière et à une telle volonté d’amélioration de son environnement au service de ses habitants, que la question paysagère est soumise à une tension très forte (…) notamment pour préserver des bâtiments remarquables qui font partie du patrimoine Nanterrien. (…) »
« L’enjeu pour la ville est d’en conserver l’histoire. Même si elle est tout le temps en mutation, il faut en garder des traces. »
[Extraits d’entretien, Manuel Moussu et Marion Benoist-Mouton, Nanterre]
Un quartier marqué par une forte identité historique et paysagère : le centre ancien  en grand format (nouvelle fenêtre)
Un quartier marqué par une forte identité historique et paysagère : le centre ancien
Exemple de celui de Nanterre


A l’inverse de la constitution d’identités de quartiers, il peut être recherché une identité à l’échelle de la commune entière. En effet, à Châtenay-Malabry, un enjeu soulevé par Françoise Rodier est de gommer l’existence de villages dont l’identification s’opère trop fortement et au dépend d’une identité communale. Cette identification aux villages constatée trouve ses fondements dans les raisons historiques de leur constitution et dans des raisons sociologiques distinguant les quartiers les uns des autres du fait de la composition de leur population. Cependant la commune porte la volonté d’une identité propre à Châtenay-Malabry, dans sa globalité [5]].Cela rejoint un enjeu de paysage identifié : le « désir » de continuité.

« Je ne sais pas si c’est lié à la question du paysage mais curieusement il n’y a pas d’identité de Châtenay-Malabry. C’est un des grands chantiers que le maire essaye de mener. (…) Il y a 12 ou 15 ans quand on demandait à un habitant « Où habitez-vous ? », sa réponse, était « j’habite Malabry », « j’habite la Butte-Rouge », « j’habite la Briaude »… Il s’identifiait au niveau de petits villages, à son quartier. Historiquement il existe six ou sept entités d’anciens petits villages qui se sont agglomérés. Bien que cela soit ancien, les habitants avaient gardé cette notion de village. Très peu d’entre eux disaient « j’habite Châtenay-Malabry ». (…) Il y a un attachement fort pour le quartier, (…) Les quartiers ont des typologies complètement différentes : la Cité Jardin de la Butte-Rouge est en elle-même une typologie particulière, il y a des quartiers du côté de Sceaux, « Malabry » qui est plus du pavillonnaire avec un relief très important. (…) Chaque quartier à son identité et du mal à en sortir. (…) C’est pourquoi le maire a souhaité qu’on trouve un moyen de supprimer cet aspect et qu’il existe une identité sur la ville. »
[Extrait d’entretien, Françoise Rodier, Châtenay-Malabry]

Une autre échelle d’identification dépassant celles du quartier ou de la commune a émergé lors de certains entretiens : la métropole, le Grand Paris. Image encore à construire et non partagée par toutes les collectivités rencontrées, elle apparaît cependant, comme à Bagneux ou encore à Clichy. Dans la représentation soulevée à Bagneux, le Grand Paris inscrit la ville dans la métropole, et rend plus visible la commune balnéolaise aux Parisiens ainsi qu’aux habitants de la banlieue. Elle participe à inscrire les villes dans un même territoire, et permet de sortir de la dualité Paris/banlieue. Le Grand Paris permet ainsi de renforcer l’appartenance à un territoire intégrant la banlieue, en renforçant le sentiment d’appartenance à un ensemble plus vaste, représenté par exemple de façon paysagère à Bagneux par les vues sur Paris, Sceaux, ou Clamart, etc.

« Le sentiment d’appartenance et d’identité (…) est sans doute lié au contexte historique, géographique, industriel, etc. A Bagneux, il existe un fort sentiment d’appartenance et les équipes [municipales] y ont été relativement à l’écoute, notamment dans des réponses en termes de service public, d’équipements publics, d’éléments de paysage (parcs, les espaces verts), de préservation du patrimoine, etc. Passer à la « dimension Grand Paris » fait passer à une notion de solidarité et d’appartenance à un tout. (…) Les Balnéolais sont du coup dans un territoire plus large qu’ils pratiquent et qui leur est plus accessible. (…) Ils ne sont pas confinés dans leur territoire communal, ou uniquement dans leur quartier. (…) En conséquence, en termes de paysage, Bagneux devient un élément visible et praticable du Grand Paris, des Parisiens, et des banlieusards de manière générale. Il doit être mis en valeur autant que possible.  »
[Extrait d’entretien, Nathalie Dreyer-Garde, Bagneux]
Bagneux : un paysage inscrit dans le Grand Paris. Vue sur Sceaux  en grand format (nouvelle fenêtre)
Bagneux : un paysage inscrit dans le Grand Paris. Vue sur Sceaux


Il est intéressant de se poser la question du fondement paysager de ces échelles d’identification : quartier, ville, métropole… En effet, la mise en parallèle de ces « unités d’identité » avec l’Atlas des paysages fait apparaître des distorsions : par exemple, le découpage du département en unités paysagères ne propose pas une seule et même entité pour la commune de Châtenay-Malabry qui est en fait divisée en deux sous-unités (Rebord de la Vallée aux loups et Vallons de Sceaux) ; de la même manière, la commune de Montrouge n’est couverte, sur la carte de l’atlas, que par une seule sous-unité (Glacis de Châtillon-Montrouge) alors qu’elle est divisée en six quartiers ; enfin, à l’échelle de la métropole, ce sont de nombreuses unités et sous-unités qui découpent le territoire.
Il est donc établi que les identités, telles que représentées au sein des collectivités, ne se réfèrent pas exclusivement à des composantes paysagères. Bien que ces dernières puissent parfois constituer des points d’appui aux découpages de ces « unités d’identité », elles n’en sont pas les fondements premiers à l’inverse de fondements politiques, démocratiques ou encore d’organisation urbaine.

Il est à noter également l’absence, dans les références identitaires évoquées, de l’échelle départementale ou de communautés de communes ou d’agglomération. Cependant l’échelle intercommunale et même interdépartementale peut parfois constituer une échelle projetant certaines identités : c’est par exemple le cas de la « boucle nord » du département, fortement marquée par son tissu industriel, mais aussi résidentiel (grands ensembles, quartiers pavillonnaires), ainsi que par la présence de la Seine qui en marque la limite ; ou encore du territoire de projets de la Vallée Scientifique de la Bièvre dont l’identité relève de son paysage de vallées, sa mosaïque urbaine et la présence de grandes emprises, de campus et de ses activités scientifiques.

Des identités fondées sur un paysage préservé et en comparaison avec Paris

Comme vu précédemment, l’identité définit, détermine et permet de se différencier. En effet, de nombreux entretiens menés avec les acteurs altoséquanais ont permis de démontrer la force de la comparaison – en négatif ou en positif – dans la définition des identités. Cette comparaison n’est pas plurielle, elle est unique et systématiquement utilisée par les communes citées ci-après : il s’agit de la différenciation avec Paris et de l’image que la ville capitale reflète (intensité, densité, activité…).

Ainsi, afin de qualifier les Hauts-de-Seine en « trois mots », Nicolas Rousseau a notamment choisi les notions de « qualité de vie » et de « quiétude urbaine » opposées à la densité de Paris situé à proximité.

« [Il y a] une notion [importante pour qualifier les Hauts-de-Seine qui est celle] de qualité de vie. C’est un département qui bénéficie d’une image de plutôt bonne qualité de vie parce qu’on y souffre pas des aléas de la capitale (…) je pense [notamment] à la densité, nous n’y sommes pas sous pression. (…) Vous pouvez rentrer chez vous dans les Hauts-de-Seine comme si vous viviez à la campagne ! »
[Extrait d’entretien, Nicolas Rousseau, Société pour la protection du patrimoine et de l’esthétique de France]

Cette lecture de la différenciation permet de saisir le parallèle fait entre la province et la commune de Montrouge par son maire. Identification pour le moins étonnante, Montrouge se trouvant non seulement dans la première couronne francilienne mais également en situation limitrophe à Paris, et donc géographiquement très éloignée de la province. Cependant, Jean-Loup Metton choisit ce terme, car en dépit de cette localisation, la commune dispose selon lui d’une structure urbaine et sociale provinciale et traditionnelle, car organisée autour de la centralité qu’est la rue principale (avenue de la République), la mairie, l’église, etc. produisant une convivialité.

« Nous considérons que [Montrouge est] un prolongement de Paris. (…) Le bâti et la densité sont très comparables à celui ou à celle d’un arrondissement de Paris, mais pas la structure urbaine. Notre slogan est ‘une petite ville de province aux portes de Paris’. Nous avons tous les avantages de Paris sans en avoir les inconvénients. Nous avons une vie locale très dynamique, il n’y a pas d’anonymat. La structure urbanistique de la ville est tout à fait traditionnelle : c’est une structure de ville de province avec la rue principale, la mairie, l’église, l’école, les commerçants, etc. (…) Dimanche dernier par exemple nous fêtions les rois avec la fête de la galette géante, (…) c’est de la convivialité… »
[Extrait d’entretien, Jean-Loup Metton, maire de Montrouge]
L'avenue de la République à Montrouge   en grand format (nouvelle fenêtre)
L’avenue de la République à Montrouge
Un axe de centralité producteur d’une identité provinciale ?


Cependant Jean-Loup Metton révèle un autre caractère de la commune de Montrouge : la banlieue, une « ville noyée dans la banlieue ». Qu’il s’agisse de « province » ou de « banlieue » il s’agit toujours d’une lecture d’identification par la différenciation. Cependant, alors que l’image provinciale est valorisée, celle de banlieue semble moins positive, peu porteuse d’identité ou « manquant d’image ». La ville de Montrouge est alors présentée par son maire comme ayant été une ville discrète, car ne possédant pas de bâtiment emblématique, d’où un déficit d’image au sein d’un département dans lequel d’autres communes bénéficient a contrario d’identités fortes : l’identité industrielle de la boucle nord, le rattachement symbolique – mais aussi paysager – de Clichy ou de Boulogne-Billancourt à Paris, les territoires composés de grands parcs, etc. De plus, sa situation au sein d’une « petite couronne sud » déconsidérée et manquant d’image de marque est une autre raison du défaut d’identité de la commune. Cela a donné lieu à des réflexions et à la recherche de mise en valeur du caractère également industriel de cette banlieue. Jean-Loup Metton précise que ce manque d’identité est aujourd’hui résolu et que la commune est dorénavant attractive.

« [A Montrouge] il n’y a pas de bâtiment exceptionnel qui pourrait attirer l’œil (…) Il y a des villes qui sont caractérisées par un bâtiment emblématique qui est connu au-delà de ses frontières [6]. Nous ce n’est pas notre cas, Montrouge est une ville relativement discrète. [Auparavant] nous avions ce déficit d’images parce que nous étions considérés comme une ville de banlieue noyée dans la banlieue. (…) Ce déficit d’image n’est plus le cas maintenant, aujourd’hui Montrouge est une ville qui est recherchée.
(…) Il y a une fausse image de la petite couronne sud. Elle n’est absolument pas considérée. Son image est celle d’un secteur résidentiel [alors qu’il existe certes] beaucoup de villes résidentielles, mais plus au sud de Montrouge. Nous sommes dans la première couronne et cette première couronne est une banlieue industrielle. [Pourtant] on nous oublie. Nous n’avions pas cette image industrielle, [et en conséquence] nous n’existions pas trop. [A l’inverse] dans le nord du département comme à Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne, Nanterre, Colombes, etc. tous ces secteurs, ont une image industrielle. (…) Nous avons mené un gros travail avec nos voisins à travers la Vallée scientifique de la Bièvre, pour faire reconnaître ce territoire et sa spécificité. »
[Extraits d’entretien, Jean-Loup Metton, maire de Montrouge]

L’idée de « campagne » a parfois été évoquée lors des entretiens, en particulier par des acteurs représentant des territoires situés dans l’unité de paysage du Plateau entaillé de Châtenay-Malabry à Suresnes. Dans ces communes, cette identification s’accompagne souvent de la formulation d’un enjeu de préservation. Et dans ce cadre, la proximité avec Paris, devient à la fois un des facteurs de la définition d’une identité « campagnarde » ou « champêtre » (par effet de comparaison/différenciation) et la raison pour laquelle ce caractère doit être préservé et valorisé (car il offre une qualité paysagère rare dans un secteur géographique très proche de la capitale et de fait connaissant d’importantes pressions foncières).
C’est par exemple le cas à Châtenay-Malabry ou encore à Vaucresson.

Dans le cas de Châtenay-Malabry, les facteurs d’attractivité identifiés sont les espaces verts (nombreux et relevant de diverses typologies), l’échelle « humaine » (c’est-à-dire peu dense), et plus globalement l’aspect « provincial », « un petit bourg à la campagne ».

« Dans les constructions neuves, [les statistiques fournies par les promoteurs montrent que] dans 80 % des cas, les nouveaux habitants viennent d’un environnement assez proche, et que leur choix s’est porté sur Châtenay-Malabry en raison de [la générosité] des espaces verts de la commune. (…) Une fois installés, après 6 mois, [ces nouveaux arrivants] nous disent : « c’est curieux, on se croirait dans un petit bourg de campagne. On ne se rend pas compte qu’on est à 5 kilomètres de Paris ». [Cela est dû] à cet aspect de gros bourg de province où tout le monde connaît tout le monde, où il y a des espaces verts partout, où ce n’est pas trop dense et encore à échelle humaine. C’est ça qui plait beaucoup.  »
[Extrait d’entretien, Françoise Rodier, Châtenay-Malabry]

Dans cet extrait nous retrouvons la dimension de convivialité évoquée notamment par Jean-Loup Metton au sujet de la commune de Montrouge.
On note par ailleurs la valorisation paysagère en lien avec cette identité de « campagne » qui constitue un vecteur d’attractivité important pour la commune, et de différenciation par rapport à l’image mentale très dense et minérale de Paris (qui pourtant dispose de nombreux jardins et parcs).

A Vaucresson, l’image représentée est similaire. Virginie Michel-Paulsen met à ce titre en avant le fait que Vaucresson est une des plus petites communes du département des Hauts-de-Seine, lui permettant de garder un caractère de « petite ville » dans un « environnement exceptionnel » tout en étant à proximité de Paris et de la Défense, et très bien desservie (en transports en commun et autoroutes). Ces qualités paysagères, géographiques et de desserte constituent des éléments forts du « caractère » de la commune et sont à préserver.

« Vaucresson est l’avant-dernière plus petite commune des Hauts-de-Seine, [Marnes-la-Coquette étant la plus petite comptant 1 500 habitants], comptant 9 000 habitants. (…) Notre optique est de pouvoir améliorer la ville, la moderniser, mais avant tout la préserver. Les personnes qui viennent habiter à Vaucresson le font par choix, [en raison de son] environnement exceptionnel aussi proche de Paris. [Cette proximité] avec Paris [prend la forme] de l’autoroute A13, dont nous avons la chance qu’elle nous mène en quelques minutes à Paris, de la gare qui nous mène à la gare Saint-Lazare et à la Défense très rapidement, [et à] l’A86 qui peut nous amener au sud ou au nord. (…) »
[Extrait d’entretien, Virginie Michel-Paulsen, maire de Vaucresson]
La campagne dans les Hauts-de-Seine ?  en grand format (nouvelle fenêtre)
La campagne dans les Hauts-de-Seine ?
Extraits de la carte de l’atlas de Châtenay-Malabry et Vaucresson

[1Définition du dictionnaire Larousse

[2Enjeux de la sociologie urbaine, 2007, sous la direction de Michel Bassand, Vincent Kaufmann, Dominique Joye

[4Les six quartiers de Montrouge : « Le Parc », « Interlude », « Vivre mon quartier », « Portes de Montrouge », « Village Jean Jaurés », « Haut-Mesnil Grand Sud »

[5Pour en savoir plus sur la manière dont cette volonté à été mise en œuvre à Châtenay-Malabry, [lien vers article « L’identité recherchée ou construite, productrice de paysage ».

[6Référence à la basilique de Saint-Denis, au Château de Versailles